Miroir tendu à nos sociétés post-industrielles, Internet nous oblige à redéfinir les règles susceptibles d'être transgressées. Les dispositifs juridiques, s'appuyant sur les grands principes de la protection de la vie privée, tentent de préciser les responsabilités des différents acteurs pour en réguler le fonctionnement. Alimentant le débat actuel suscité par la transposition en droit français de la directive européenne 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel, Daniel Naulleau, Président du Centre de Recherche et d'Enseignement en Informatique et Société (Université Paris VI - Pierre et Marie Curie), nous montre dans son exposé que la mise en ½uvre des principes éthiques de protection de la vie privée se heurte d'une part aux possibilités juridiques de contournement des législations nationales ou supranationales liées à la mondialisation du réseau, et d'autre part aux possibilités techniques de transgression offertes par le flux permanent d'innovations produites par les technologies de réseau.
Si le discours des média malgré la périodicité de leur production s'inscrit dans l'ordre de l'éphémère, celui de la loi a plutôt vocation à une certaine permanence. De ce point de vue, les corpus juridiques constituent une forme spécifique du discours tenu sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Résultante particulière de la tension entre la norme sociale pré-existante et l'émergence de nouvelles pratiques, le droit à travers ses multiples productions (dogme, législation, jurisprudence, commentaires) exprime le rapport de forces existant entre les différents acteurs sociaux. Ainsi les transformations du droit des nouvelles technologies de l'information nous donnent une lecture de l'évolution actuelle de nos pratiques sociales en la matière. Au-delà des discours convenus sur la modernité de ces pratiques, force est de constater que la tonalité dominante des discours n'est pas en faveur de la protection des libertés individuelles mais penche plutôt du coté d'un mode de gouvernance assurant la libre expression ? des forces vives du marché !
Qu'en sera-t-il du fragile équilibre instauré dans nos démocraties modernes entre l'autonomie des individus et des collectifs revendiquée par les représentants de la société civile et la prégnance des dispositifs régaliens concoctés par une techno-structure souvent en retard d'une crise et dominés par la logique d'extension du système marchand ? Si réponse il y a, elle ne pourra s'élaborer qu'au sein du processus de construction d'un véritable espace européen pour les libertés individuelles qui fasse contrepoids aux libertés marchandes dont l'Europe nous a si généreusement gratifiées !