La réponse des nombreuses commissions et des organismes européens ou internationaux qui se sont penchés sur le problème tient en deux volets. La formation ne doit plus Ítre simplement l'étape avant l'entrée dans le monde du travail, elle doit Ítre poursuivie tout au long de la vie. Chacun doit avoir la possibilité d'alterner parcours professionnel et études. L'offre doit s'individualiser et les élèves et les étudiants devenir autonomes et co-responsables de leur choix de formation, de leurs succès comme de leurs échecs.
Oui mais comment répondre à cette demande différenciée dans les structures actuelles du système d'éducation ? La situation dépend des secteurs. "Mais le fait à souligner est l'engagement des responsables politiques en faveur du développement d'industries éducatives : renforcement de l'utilisation des technologies comme outil pédagogique en milieu scolaire, équipement et accès des établissements d'enseignement aux réseaux, soutien volontariste à la production de programmes pédagogiques multimédias, mesures annoncées pour inciter les entreprises à offrir aux établissements des conditions tarifaires attractives pour produire et diffuser des contenus pédagogiques et scientifiques pour l'enseignement" note Elisabeth Fichez. L'insistance des promoteurs des formations en "libre-service" est ambivalente. L'autonomie des élèves est bien un but recherché par tout programme d'éducation mais elle est aussi un moyen de sélection sociale déguisé.
Laurent Collet a observé l'utilisation des produits multimédias pour la formation des opérateurs dans les grandes entreprises françaises. La conception de ces systèmes de formation échappe complètement aux travailleurs auxquels ils sont destinés et aux formateurs qui les mettront en úuvre. Ils sont des enjeux de pouvoir au sein de la direction des entreprises et reflètent les conceptions dominantes de la hiérarchie sur la mécanisation et l'automatisation des tâches. Le but avoué est souvent de remplacer les formateurs par des produits en libre-service ou du moins, de compléter le travail de ceux-ci.
Pour Eric Delamotte, si la réponse officielle à la crise du système éducatif passe officiellement par la "promotion du modèle de l'entreprise pour l'éducation" avec un manager, le chef d'établissement, et des formes d'évaluation et de contrôle moins rigides que par le passé, elle ne délègue de l'autonomie que "pour mieux faire intérioriser les critères de rentabilité et d'efficacité"."Mais quel changement, quelle modernisation ?".
Patrick Guillemet s'interroge, à propos du choix d'une plate-forme logicielle de création de cours en ligne sur les divisions de la communauté enseignante entre les ardeurs modernistes de certains et les scrupules pédagogiques des autres.
Mireille Le Van présente le point de vue de "l'ennemi", celui de l'industriel, en l'occurrence France Telecom, qui a constitué une "task force" pour offrir l'accès à internet aux institutions scolaires. "Ennemi" d'ailleurs bien sympathique car "l'éducation est un thème porteur pour une entreprise qui a une culture de service public". Et les salariés de l'entreprise, mobilisés à tous les niveaux pour cette initiative, ont largement répondu présents à ce "projet citoyen". Celui-ci renforçait en mÍme temps l'entreprise face à la concurrence bien que France Telecom n'ait pas visé la rentabilité à court terme.Une alternative à cet investissement de la formation par la logique industrielle serait le retour aux formes modernisées du compagnonnage dont l'esprit, selon Michèle Descolonges, revit à travers les hackers et le modèle du développement du logiciel libre.