D'échec en échec jusqu'au succès ?
35 ans de projets d'Enseignement Assisté par Ordinateur
Michel Burnier
Introduction
L'objet de cet article est de décrire l'évolution des conceptions qui ont présidé aux tentatives d'introduction en France d'un enseignement informatisé. Sans en justifier ici la validité intrinsèque, on s'appuiera sur les hypothèses suivantes:
- l'EAO témoigne d'une mutation au moins potentielle du métier d'enseignant et de formateur, et d'une diversification des outils pédagogiques (l'écran, les logiciels et les bases de données s'ajoutent à la classe et à la bibliothèque);
- l'EAO est un reflet de changements techniques et sociaux plus larges, tels que la délocalisation croissante des savoirs, le travail à distance, l'individualisation de l'apprentissage, la mécanisation et la standardisation du travail intellectuel, la primordialité des technologies de gestion des savoirs par opposition à l'organisation de la productivité matérielle;
- l'EAO possède une capacité structurante dans les choix d'investissement et d'agencement des systèmes éducatifs, susceptible d'en modifier assez profondément la nature, les usages et les résultats.
Et pourtant, le niveau de développement atteint jusqu'ici par l'EAO reste faible et hésitant. Sans doute n'en sommes-nous encore qu'aux premiers balbutiements d'une reconstruction des systèmes de formation autour de méthodes beaucoup plus rationalisées (mais pas forcément plus efficaces) de transmission des contenus cognitifs. Pour l'heure, les voies de l'automatisation éducative restent très ouvertes. C'est pourquoi l'intérêt d'un re-parcours historique de l'EAO n'est pas que documentaire: il est d'ores et déjà possible d'en tirer des leçons et d'envisager plus sereinement les chemins possibles et les erreurs à ne pas commettre. Naturellement, il n'est pas question ici de tracer un programme, mais plutôt de fournir des éléments de bilan utiles à une réflexion stratégique. Celle-ci ne pourrait aboutir à des résultats valables que si elle était portée par les acteurs directement concernés, qu'ils soient enseignants ou enseignés, administrateurs ou syndicats, concepteurs ou utilisateurs.
Mais d'abord, comment définir l'enseignement assisté par ordinateur ?
L'EAO inclut toutes les applications numériques, utilisées en temps réel ou en temps différé, ayant un but didactique. Cela concerne donc l'ensemble des matériels et logiciels dédiés à l'organisation et à l'implémentation de l'éducation. Celle-ci inclut les formations initiales et continues de tous niveaux, dispensées par les établissements publics, mais aussi par les centres de formation privés et les entreprises. Les modalités d'enseignement mises en oeuvre passent essentiellement par des technologies conversationnelles (dites interactives) mettant en relation directe ou indirecte des élèves et des enseignants. Ces technologies comprennent les supports de contenus éducatifs et les terminaux où ils s'affichent (et bientôt s'entendront), les logiciels de dialogue et de connexion (échanges et discussions en ligne, visioconférences, groupware, interopérabilité des réseaux télématiques), les banques de données et d'images utiles à la documentation et au travail pédagogique.
En d'autres termes, l'EAO surajoute à la relation fondamentale entre un maître et un élève, une médiation technique permettant d'introduire et de traiter des informations extérieures sous forme de textes, de sons, d'images, de graphiques. Lorsque l'usage de "machines informationnelles" (serveurs, moteurs de recherche, multimédias, banques de données, etc.) devient interactif et fait partie intégrante du processus d'apprentissage, on peut dire qu'à la relation duale primitive maître-élève se substitue une relation ternaire maître-machine-élève. A la limite, en admettant que les "machines à enseigner" (didacticiels et systèmes dédiés d'information et de communication) soient parfaitement au point (l'enseignant est remplacé par un automate virtuel), on peut imaginer que le profeseur en chair et en os disparaisse, au moins pendant certaines phases du processus d'apprentissage. Dans ce cas, le rapport éducatif direct n'est plus constitué que par une relation entre une machine et un enseigné.
Or, on le verra, cette virtualisation de la relation pédagogique reste très problématique, même si elle n'est pas théoriquement inconcevable. Elle explique en tout cas la crainte que suscite le développement des techniques d'EAO chez les enseignants. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en trente ans l'informatisation de l'enseignement n'a pas progressé à pas de géant....
L'EAO embryonnaire: les années 1960
Dès 1925, le psychologue américain Pressey avait mis au point une machine à enseigner par questions et correction automatique des réponses, ancêtre des Questionnaires à Choix Multples utilisés de nos jours pour interroger les étudiants en sciences. Mais c'est la théorie behaviouriste de l'apprentissage qui va générer l'Enseignement Programmé par Ordinateur (EPO) au milieu des années 60. Skinner et Crowder étudient vers 1954 l'apprentissage animal et formulent les principes d'un parcours guidé et sans erreurs dans la transmission des connaissances, avec l'objectif affiché de passer d'une pédagogie de la sélection à une pédagogie du succès par une adaptation du comportement identique pour tous les élèves (Skinner). Il est proposé d'optimiser la faculté apprenante des enseignés en
-décomposant la matière enregistrée en faits et concepts élémentaires soigneusement analysés et hiérarchisés,
-présentant aux élèves ces faits et concepts un par un dans un ordre logique,
-recomposant par des encouragements les bonnes réponses aux questions intercalées entre les items présentés (J. Hebenstreit).
L'EPO, développé dans les premiers laboratoires informatiques universitaires avec l'encouragement de l'Education Nationale, ne vise qu'à transmettre des connaissances. Et déjà, les informaticiens conçoivent des langages de programmation simplifiés que des enseignants non informaticiens puissent utiliser pour programmer à leur tour des séquences de cours. Une vingtaine de laboratoires travaillent sur ces programmes en France et aux Etats-Unis.
L'idée sous-jacente est celle d'une amélioration des rendements scolaires, d'une maîtrise des coûts exponentiels du système éducatif, et à la limite d'une résolution de la fameuse crise de l'enseignement:
-la crise que provoque ou que risque de provoquer l'afflux d'élèves dans le secondaire (et le supérieur) et qui se traduit par un rendement insuffisant du système scolaire,
-l'accroissement exponentiel des connaissances qui va, combiné au facteur précédent, aggraver la crise. (J.-L. Baron)
Le projet d'EAO, sous sa forme première d'EPO, est celui d'une pédagogie de substitution et non de transformation. Il s'agit de faire effectuer par l'ordinateur les tâches traditionnelles des professeurs, en rejetant l'éventualité d'un recrutement massif d'enseignants. En arrière-fond, certains chercheurs, comme Vincent Robin, ont vu dans l'EPO une reprise du projet de taylorisation de l'enseignement, en vogue aux Etats-Unis entre 1910 et 1930, remis au goût du jour sous l'influence des théories de l'apprentissage conditionné.
Quoiqu'il en soit, à la fin des années 60, force est de constater que les classes ne sont pas devenues des espaces d'enseignement individualisé et qu'il n'y a pas eu création et diffusion en masse de cours en conserve. A vrai dire, l'écriture d'une réplique de cours sous forme de didacticiel demandait près de cent heures de travail, sans compter la rareté, le prix et la complexité des matériels et logiciels alors disponibles. Surtout, la résistance à l'informatisation pédagogique s'est avérée très tenace, notamment aux échelons décisionnels (par exemple chez les inspecteurs généraux de l'enseignement). Et quand bien même le degré d'acceptation de l'EPO eût-il été suffisant (et les ordinateurs disponibles), la pauvreté des programmes aurait suffit à décourager élèves et enseignants. Hebenstreit écrit:
L'atomisation des connaissances liée au découpage en items rend difficile une vue synthétique du sujet. Un sentiment de frustration s'est manifesté chez les utilisateurs, dû à la perturbation permanente de l'activité d'apprentissage par la recherche de la page où se trouve l'item suivant. Une tendance à la facilité se traduit par la recherche de la bonne réponse à tout prix, en négligeant les items prévus en cas de réponse erronée, une fatigue rapide due à l'ignorance des tenants et des aboutissants du sujet que l'on apprend par tranches fines, et enfin un sentiment d'exaspération induit par la nécessité de choisir entre plusieurs réponses imposées sans pouvoir donner sa propre réponse.
Cette analyse désabusée est corroborée par celle de J.-M. Albertini, selon qui l'EPO a trop souvent voulu s'approprier l'enseigné et parfois l'enseignant, le mettre dans une moulinette algorithmique afin de le former le plus efficacement possible. Or, si le fonctionnement de l'ordinateur est algorithmique, le couple homme-machine ne l'est sûrement pas. Y compris face à une machine, l'homme projette de l'affectif et mobilise tous ses sens. Il ne raisonne pas que logiquement. Il pense "poétiquement" par analogies, par métaphores, métonymies, hypallages, synonymies, synecdoques, le plus souvent d'origine inconsciente, là où les algorithmes logiciels ne peuvent suivre que des cheminements rationnels binaires.
Quant à l'approche cybernétique et à la théorie des systèmes, fortement développées dans les années 50, elles ont proposé des modèles d'auto-instruction plus sophistiqués que ceux de l'EPO, mais ont échoué à peu près pour les mêmes raisons.
Le projet d'Enseignement Intelligent Assisté par Ordinateur
La fin des années 60 est marquée par l'émergence des premières réalisations en Intelligence Artificielle, emblématisée dans sa tentative d'analyser les procédures de résolution de problèmes mis en oeuvre par l'apprenant. La perspective est inversée: on part de la démarche apprenante et non plus de la rationalisation des cours. L'Ecole psycho-pédagogique soviétique travaille de concert avec des chercheurs de Berkeley, du MIT et de Stanford, et de quelques héritiers français de Piaget comme P. Gréco ou S. Papert, à partir de plusieurs méthodes comme la théorie des graphes, les modèles stochastiques, les langages de description documentaire.
Il s'agit de faire en sorte que l'ordinateur puisse repérer le type de démarche de l'élève et construire dans cette interactivité un raisonnement de référence, reproduisant une relation pédagogique. A partir du langage LISP sont élaborées les bases d'un langage spécifique à l'enseignement, le LOGO, à l'initiative de l'américain Seymour Papert. L'idée en est de permettre un enregistrement dynamique de modes de résolution de problèmes par les élèves grâce à des tests successifs de modèles, avec pour but de placer l'apprenant dans une situation où il puisse développer sa propre réflexion. C'est ce que Papert appelle prendre en compte les tatonnements nécessaires à l'acquisition d'un "savoir trouver".
Pour Papert, à l'opposé de l'EPO, apprendre reviendrait d'abord à découvrir ce que nous ne savons pas, puis à identifier ce que nous devons apprendre. Nous aurions donc avant tout à analyser notre façon de poser les problèmes et à réfléchir sur nos choix, sur quoi nous butons et pourquoi. Ayant identifié notre propre méthode et nos lacunes, nous devrions ensuite faire l'apprentissage de la technique informatique afin de rendre plus logique et progressif notre apprentissage.
Cette méthodologie a suscité des réserves. En effet, si le tatonnement est pédagogique, il ne peut remplacer le rôle traditionnel de l'enseignant dans la synthèse et la transmission des connaissances: l'apprenant ne peut pas tout redécouvrir sans perdre trop de temps (G. Brémond). D'autre part, l'intention de faire que ce soit l'enfant qui programme l'ordinateur et non l'ordinateur qui programme l'enfant était louable, mais a buté sur les limites intrinsèques du langage de programmation LOGO, sur le faible enthousisasme des enseignants à l'idée d'enseigner une programmation même simplifiée, et surtout sur la lourdeur d'utilisation d'une grosse informatique qui n'avait pas encore dans les années 60 atteint le stade de la micro et des réseaux d'intercommunication.
L'EAO en phase de croissance: les années 70
A part quelques rarissimes cas d'utilisation universitaire de l'ordinateur pour un enseignement programmé (par exemple en physique et en hématologie à Paris), la première introduction significative de matériel informatique dans les établissements scolaires date de 1971. Le ministère crée en 1970 une Mission informatique et enseignement, pilote une opération "58 lycées" (un mini-ordinateur et huit postes de travail par établissement , utilisant le Langage Symbolique d'Enseignement mis au point par l'équipe de J.Hebenstreit) et constitue avec l'INRP une banque de didacticiels. Une grande diversité de pratiques se fait jour (améliorations du LSE, langages-auteurs) et 400 didacticiels sont écrits en dix ans.
Cependant, à l'encontre de la politique volontariste d'équipement des établissements, aucune vision cohérente des applications EAO ne se dégage. Il faut attendre 1979 pour voir lancer, sous l'autorité du président de la République, l'opération "10.000 micros". L'objectif implicite est de développer, via l'enseignement, une industrie française de l'informatique, avec des firmes comme Logabax, CII et Télémécanique. C'est ce qui permet à V.Robin de dire que l'EAO n'est pas né dans le milieu des pédagogues mais dans celui des ingénieurs informaticiens et des industriels. L'informatique s'est intéressée à l'école avant que cette dernière ne se sente concernée.
Rétrospectivement, tout semble s'être passé comme si les options techniques et industrielles avaient pris la pas sur les réflexions pédagogiques. Les logiciels éducatifs continueront de dériver leur conception du modèle EPO, c'est-à-dire de ma méthode "drill and practice" (l'ordinateur présente à l'apprenant certaines notions dans une séquence, puis lui propose des exercices d'application). L'immense majorité des programmes écrits dans les années 70 et 80 sont proposés sur le mode tutoriel, hérité des théories behaviouristes du réflexe conditionné.
Plus précisément, dans le champ du tutoriel, deux conceptions voisinent. La première est celle de l'ordinateur-professeur, où la machine évalue grâce à des questions et exercices les progrès de l'élève et fait varier le rythme de l'apprentissage en fonction des résultats obtenus. Cette conception, développée dans les universités américaines, prétend libérer l'enseignant des tâches fastidieuses et répétitives de transmission des connaissances. L'enseignant pourrait alors jouer le rôle d'un tuteur individuel.
La deuxième école de pensée conçoit l'ordinateur comme un répétiteur: L'ordinateur (ou le système télématique)ne donne pas de cours, mais se contente de présenter des tests ou examens objectifs dont il compile les résultats pour fabriquer des profils d'élèves dont l'enseignant s'inspirera pour orienter son enseignement (Y.Leclerc).
En France, les tutoriels installés dans les années 70 et 80 (par exemple le système DIDAO) ont reproduit la structure des cours, principalement en mathématique et informatique, en réduisant l'intervention des enseignants à la détermination de la durée des séances, des délais de réflexion laissé pour les réponses et du temps de pause entre les questions. Ces tutoriels n'ont pas été réalisés en fonction des façons d'apprendre des élèves mais des méthodes des enseignants. Leur diffusion dans les établissements d'enseignement est restée assez symbolique, mais significative d'une difficulté générale à organiser l'éducation et la formation autrement qu'autour de cours pré-conçus.
Il est à noter qu'à l'issue des travaux orientés sur l'Intelligence Artificielle et les techniques de simulation, certaines réalisations didacticielles ont tenté de créer des systèmes guidés par des "bases de connaissances", aptes à s'adapter à des étudiants de profils différents. Mais la complexité de ces systèmes s'est avérée difficilement maîtrisable et les projets ont été abandonnés. ils ont néanmoins fondé les bases de l'architecture des actuels moteurs d'inférence et autres systèmes- experts.
A la fin des années 70 et au milieu des années 80, les problèmes technologiques et industriels semblent en définitive avoir bloqué toute véritable avancée pédagogique et entraîné une résistance des milieux enseignants, ainsi qu'en témoignent ces propos désabusés de M. Linard:
Ne peut-il exister une pédagogie relativiste et technologiquement dégrisée où la maîtrise instrumentale abstraite des choses ne serait qu'un forme de rapport au monde parmi d'autres ? Avec l'EAO, n'essaie-t-on pas de liquider, dans la toute puissance du faire, les incontournables qui nous constituent dans notre spécificité d'humains vivants, somato-affectivo-socio-cognitifs et mépaphysiques ?
Et pourtant, les politiques d'EAO mises en oeuvre dans les années 80 paraîtront toujours orientées vers des besoins exprimés presque exclusivement en termes quantitatifs (priorité aux parcs d'ordinateurs et aux ratios financiers).
Les années 1980 : l'échec des grands projets d'EAO
En 1981, le plan des "10.000 micros" est remplacé par un plan encore plus ambitieux, celui des "100.000 micro-ordinateurs", qu'amplifiera encore le plan "Informatique Pour Tous" lancé en 1985. D'importants crédits sont dégagés et l'affaire est élevée au rang de grand projet de société. La totalité des écoles devait être équipée de "nano-réseaux" de micros produits par Thomson et cent mille enseignants initiés au langage Basic pendant une semaine. Mais avec le plan IPT il ne s'agit plus seulement d'utiliser l'informatique comme outil pédagogique. Il faut maintenant enseigner la discipline informatique en tant que telle (voir le rapport Simon). Et même si la fonction pédagogique de l'ordinateur reste fondamentale pour le ministère de l'Education, elle est couplée à un objectif totalement irréaliste de maîtrise technique des outils (ordinateurs, logiciels, réseaux).
L'ennui c'est que du côté de la pédagogie comme de la technologie les choses ne sont pas mûres. L'informatique comme discipline spécifique d'apprentissage scolaire n'a pas encore conquis son autonomie, et l'EAO ne fait pas l'objet d'une inscription dans les programmes officiels d'enseignement, bien que l'Etat favorise la production de logiciels éducatifs par une politique de contrats de licences-mixtes et de labellisation des didacticiels. En écho à cette politique, un nouveau marché s'ouvre aux éditeurs scolaires et aux producteurs privés de didacticiels. Les progiciels industrialisés font leur apparition et transforment l'EAO en marchandise exploitable par le secteur privé. Les concepteurs seront de moins en moins des enseignants travaillant pour le Centre national de Documentation Pédagogique, et de plus en plus des entreprises visant à élargir le marché du didacticiel aux particuliers et aux sociétés spécialisées dans la formation professionnelle.
Il n'est donc sans doute pas exagéré de dire qu'à partir du milieu des années 80 l'EAO a basculé dans la privatisation et s'est quelque peu noyé dans l'engouement général pour les technologies numériques. L'informatique est désormais présentée comme le recours universel à toutes les difficultés économiques et culturelles. Elle devrait, au dire des grands commis de l'Etat comme des nouveaux entrepreneurs en logiciels, alléger l'administration, rendre l'économie française concurrentielle, résorber le chômage, et en matière d'éducation rentabiliser le savoir et accroître les compétences professionnelles. Il n'en sera pas autrement dans les années 90 et 2000 avec le projet des Autoroutes de l'information.
Pourtant, du côté des enseignants et des formateurs, les convictions sont bien différentes. La formation à la programmation s'avère bien insuffisante. Les professeurs se disent très peu concernés et les salles informatiques sont surtout utilisées pour la formation continue des adultes. A la vérité, les matériels et logiciels français mis à la disposition des activités pédagogiques sont encore bien peu performants, en comparaison des nouveaux produits californiens dits "conviviaux" (Macintosh, PC), plus puissants et faciles à utiliser. Mais les appareils américains sont interdits dans le secteur public, afin de protéger l'industrie nationale. Or en quelques années le verrou juridique cédera et l'irruption massive des micro-ordinateurs étrangers touchera tous les secteurs.
Le double phénomène de faiblesse et de rapide mise à l'écart des matériels français, joint à la privatisation croissante de la production de logiciels, explique en bonne partie le délitement rapide du plan Informatique Pour Tous et le changement successif d'optique en matière d'EAO.
Désormais, les besoins pédagogiques n'apparaitront plus comme prioritaires dans la conception de logiciels éducatifs et d'outils de transmission. Comme l'explique Pierre Moeglin, L'offre des média trouverait, pour ainsi dire en creux, son répondant dans le champ éducatif, du côté des utilisateurs. L'analyse des besoins n'aurait alors d'autre fonction que de permettre à cette offre technologique (supposée toute faite) de révéler à elle-même une demande latente et préformée.
Selon la version de l'époque, les soi-disant blocages du développement de l'EAO se poseraient simplement en termes de résistance des enseignants, voire d'inaptitude de leur part. La dimension culturelle de la pédagogie (que veut-on enseigner et pour quelles finalités?) est évacuée au profit d'une démarche purement pragmatique réduite à l'agencement des ressources, à la qualité et au choix des moyens pédagogiques. On retrouve ici l'idéologie tayloriste du "one best way". Et cependant, la crise du système d'enseignement perdure, notamment en ce qui concerne la modification du rôle de l'enseignant dans des structures éducatives massifiées, de la petite école à l'université et à la formation des adultes.
Les années 1990: un virage stratégique
Après l'étiolement des grands projets centralisés, l'heure est à la modestie. L'EAO dans sa version la plus classique et la plus limitée, autrement dit en mode tutoriel, est investie d'une nouvelle valeur pédagogique. Les tutoriels n'ont plus pour ambition de remplacer le cours ni le professeur, mais d'aider l'enseigné à préparer ses leçons ou à remédier à ses difficultés. Selon un reponsables ministériel de l'époque, une demande nouvelle s'exprime pour des logiciels ponctuels que l'élève peut utiliser lui-même pour réviser des notions apprises...Les tutoriels qui seront développés le seront sur des problèmes particuliers et sur des points limités. L'optique de l'ordinateur-professeur est donc délaissée à l'avantage de l'optique ordinateur-exerciseur.
Dans un collège parisien, des tutoriels-exerciseurs servent au soutien pédagogique à des élèves en difficulté. Le professeur de mathématiques prend en charge un demi-groupe de classe dans la salle informatique, tandis que l'autre demi-groupe travaill dans la salle de documentation où se trouvent d'autres ordinateurs. Le professeur présente un problème particulier et donne une méthode pour le résoudre. Ensuite, les élèves doivent individuellement résoudre une série d'exercices que leur soumet la machine. Ils doivent atteindre un score déterminé avant la fin de l'heure de cours, d'où une émulation entre eux.
L'objectif de remédiation ne constitue pas la seule dimension de ce nouveau projet d'EAO. Sa fonction est aussi d'économiser des enseignants en dédoublant les capacités horaires de cours grâce à l'usage de l'informatique. Il s'agit encore une fois de trouver le moyen de transmettre toujours plus d'informations, d'après l'idée que les stocks de connaissances s'accroissent démesurément et qu'il ne faut pas prendre de retard. Les réseaux télématiques se voient connectés à un nombre sans cesse croissant d'encyclopédies et de bases de données sur CD-ROM, DVD et en ligne. Enfin, la tendance est à individualiser et rationaliser le travail d'apprentissage: Si les ordinateurs sont en réseau, explique une brochure ministérielle, l'élève peut avoir accès aux mêmes ressources que dans les séances de travail en classe. On peut ainsi favoriser le travail individuel, car les performances et la rapidité des machines entraînent une nécessaire rationalisation des systèmes d'information et de l'exploitation du matériel, ce qui se traduit par une idée simple: le partage des ressources.
La montée de l'enseignement en réseaux, à distance, partagé et utilisant virtuellement les média les plus divers (ordinateur, téléphone, télévision, etc.) fait qu'à la fin des années 80 on ne parle plus guère d'Enseignement Assisté par Ordinateur. On préfère maintenant parler d'enseignement et de formation multi-média, faisant appel à l'image comme à l'écrit et au son. L'EAO-système multimédia dit "de cinquième génération" aurait une triple vocation:
- comprendre et résoudre des problèmes à l'aide d'inférences,
- gérer des bases de connaissances (systèmes-experts),
- formaliser des méthodes d'apprentissage à l'aide de l'I.A.
Ces méthodes sophistiquées appellent des critiques assez semblables à celles que formulaient les contradicteurs de l'enseignement programmé. Retenons parmi d'autres celles de M. Linard et de V. Robin, pour qui l'acte d'apprendre serait beaucoup plus complexe que les recherches en intelligence artificielle et en cognitique ne voudraient le laisser croire:
L'acte d'apprendre est une activité multidimensionnelle et interactive (où la dimension affective est primordiale). Il reste difficilement réductible à des fonctionnalités étroites et immédiates (V. Robin).
Le face à face solitaire de l'élève avec l'ordinateur ne permettrait pas, selon plusieurs auteurs, de structurer valablement un savoir qui dépend essentiellement de références extérieures à l'individu, telles que la présence physique collective et l'identification à d'autres êtres humains. De plus, l'association à l'EAO d'hypertextes (logiciels ouverts et arborescents où l'apprenant peut naviguer librement) risquerait d'amener une certaine confusion dans la sélection et la hiérarchisation des informations, relativement incompatible avec une approche pédagogique organisée et finalisée.
Passéistes ou réalistes, ces réserves font encore actuellement l'objet d'un débat qui dépasse la sphère de l'éducation pour toucher à la question de l'évolution des modes d'acquisition, de tri et d'utilisation de l'information. Un compromis reste sans doute à trouver entre la liberté de naviguer sur les réseaux et la soumission à des séquences d'enseignement fortement structurées et programmées. Pour les théoriciens de l'EAO, comme J.-P. Archambault, il faudrait, à l'exclusion d'un zapping-surfing désordonné, coupler un didacticiel (proposant aux élèves des problèmes) et un hypermédia (dans lequel les apprenants pourraient cheminer sous le contrôle d'un tutoriel pour extraire des éléments de solution aux problèmes posés): Il semble qu'il faille concevoir des cheminements associant une linéarité globale et une flexibilité locale.
Les objectifs proposés alors aux enseignés sont ambitieux, ainsi qu'il ressort d'un colloque tenu en 1991 par l'INRP et l'AFCET:
- explorer une vaste base de données,
- accéder à une information enrichie sur un sujet donné,
- construire et personnaliser une base de données.
L'élève se voit dans ce projet pédagogique assigner pour tâche de naviguer au coeur d'une base de données et de construire une corrélation entre des informations sur un sujet donné (en mode texte, graphique, image, sonore, selon le cas). Grâce aux logiciels hypertextes comprenant des interfaces entre les informations (facilement accessibles sur l'Internet), des parcours de lecture multiples sont possibles, et par conséquent diverses stratégies pédagogiques peuvent être mises en application. A la différence d'une base de données traditionnelle, les choix locaux sont privilégiés et non plus traités globalement par un logiciel coercitif. C'est pourquoi la tendance la plus récente est à la mise en situation de l'apprenant dans un environnement hypertexte et hypermédia.
La réduction de l'EAO à l'utilisation de logiciels-outils (c'est-à-dire purement instrumentaux) tend peut-être à démontrer qu'un apprentissage libéré des contraintes techniques et débarassé du mythe de l'apprenant-programmeur (non informaticien), tend à s'affranchir d'une automatisation forcée du travail pédagogique ainsi que d'une volonté impériale de modéliser tout le processus cognitif.
Dans cette optique, l'ordinateur, dont l'universalité magique avait permis de légitimer la réduction des projets pédagogiques à la maîtrise de l'algoritmique, est relégué au rang d'un média parmi d'autres, au même titre que la diapositive, le film, le livre ou l'enregistrement sonore. Auparavant, l'ordinateur s'était vu confier des tâches en remplacement des enseignants, dont on envisageait la quasi disparition. Maintenant, on veut programmer l'ordinateur pour éclairer et soutenir les élèves en les mettant en situation de recherche. La "machine universelle" devient accessible à tout moment, en tous lieux et y compris chez soi, mais la cohérence de l'enseignement doit rester assurée par les didacticiens. En somme, les logiciels-outils devraient faire de l'ordinateur un environnement à explorer plutôt qu'un maître de substitution. L'enseignant conserve alors son rôle central dans la relation d'apprentissage et les logiciels sont conçus comme des aides ponctuelles ne visant pas à faire l'économie de la médiation humaine dans la transmission des connaissances et l'élaboration du savoir-apprendre.
Espoirs et craintes devant l'Enseignement Assisté par Ordinateur
La domestication et la banalisation des logiciels utiles à l'éducation n'évite cependant pas que subsistent un certain nombre de freins à l'informatisation, d'ordre humain, mais aussi financier et technique.
Au plan des attitudes personnelles, il est probable que les générations issues du deuxième millénaire n'auront aucun mal à utiliser les technologies numériques pour leur propre apprentissage. Déjà, des "plateformes" européennes multilingues de téléformation se mettent en place (IMS, PROMETEUS), permettant à tous d'avoir accès en ligne (grâce au navigateur web) à toutes sortes de ressources pédagogiques: documents multimédia, simulations, hypertextes, vidéos, bases de données, etc. La nouveauté est que l'accès aux ressources est totament délocalisé, au bénéfice notamment de l'(auto-)éducation à domicile. Du côté des établissements d'enseignement comme des lieux de travail, les formations sont de plus en plus intégrées à des Intranets structurés en fonction des besoins locaux et éventuellement reliés à la toile mondiale par des Extranets.
La tendance est donc à un continuum itératif entre lieux de formation, lieux de travail et lieux de vie, et entre les diverses plateformes de téléformation. Mais, au grand dam des intégristes du numérique, il est nécessaire que l'EAO passe une nouvelle alliance avec les supports classiques de formation (livre, film, séminaire, cours collectif...), en combinant les médias de toute nature (approche mix-média). Egalement, pour offrir une meilleure acceptabilité, le processus d'apprentissage doit alterner les relations en présence et à distance, individuelles et coopératives, et intégrer les formations initiales, professionnelles et continues.
Par contre, au niveau des contenus pédagogiques, l'évolution reste bien plus lente. Aucune alternative crédible n'a été trouvée au cours magistral et à la salle de classe, même virtuelle. Surtout, les systèmes-experts de formation n'ont guère dépassé le mode tutoriel d'accompagnement de notions et d'exercices. Les recherches en psycho-pédagogie et en intelligence artificielle appliquée à l'enseignement semblent avoir été submergées par la vague déferlante de l'internétisation. L'universalité de l'Internet tend à reléguer au second rang les applications locales et pousse les apprenants à surfer sans encadrement sur une masse hétéroclite d'informations indiscriminées.
Quant aux enseignants, ils sont pour les deux tiers d'entre eux sceptiques ou opposés à l'introduction de l'informatique dans leurs établissements. Une typologie dressée par Alex Mucchielli distingue:
- les "appréciateurs" (un tiers), ouverts aux innovations et familiarisés avec l'ordinateur, pensent que l'EAO peut être un outil de motivation dans toutes les disciplines enseignées;
- les "fugitifs" (un tiers) sont mal à l'aise devant l'ordinateur et se sentent mal considérés dans leur métier. Ils préféreraient que des spécialistes prennent en charge cet outil embarrassant;
- les "réfractaires" (un tiers) critiquent toute réforme provenant de l'Etat. L'informatique à l'école leur paraît un nouveau prétexte pour dévaloriser la profession et leur imposer des contraintes supplémentaires. Ils reprochent à l'EAO d'être trop ludique, désocialisante et contraire au développement intellectuel.
A ce manque de conviction des enseignants s'ajoutent des limites plus prosaïques. Limites financières d'abord, car même si à terme l'enseignement à distance devrait coûter moins cher qu'en mode direct (la multiplication du nombre de télé-enseignés et la conséquente diminution du nombre enseignants permet des économies d'échelle), les didacticiels de bon niveau resteront très coûteux. Par exemple, les logiciels de formation interne des grandes entreprises reviennent à plusieurs millions de francs. La création de moteurs d'inférence utiles à la recherche documentaire n'est accessible qu'à de très grosses institutions. Les visioconférences pour le travail de groupe partagé à distance recquièrent des budgets relativement importants.
Les limites les plus rédibitoires à l'EAO tiennent cependant aux technologies elles-mêmes. La vitesse d'obsolescence des matériels et logiciels est telle qu'en quelques mois seulement les capacités de mémorisation et de traitement des informations deviennent insuffisantes par rapport aux dernières normes et exigences qualitatives en vigueur. A cela s'ajoute la rareté quantitative des ordinateurs, périphériques et connexions, dans et à l'extérieur des lieux d'enseignement. On est encore loin d'avoir réalisé le programme "un élève-un ordinateur", sans compter les problèmes de manipulation logicielle, de maintenance des sites et réseaux, de bugs et autres virus. Comme le dit A. Mucchielli:
Les grandes envolées lyriques et idéologiques se perdent, sur le terrain, dans les marécages des branchements et des câbles.
Au delà néanmoins de toutes ces difficultés, la généralisation de l'usage de l'Internet pourrait donner un nouvel élan à l'EAO, entendu cette fois non plus comme technologie particulière (le tutoriel) mais comme appropriation instrumentale des connaissances disponibles sur les réseaux à des fins pédagogiques.
L'accroissement même des stocks de connaissances et des arborescences entre les savoirs numérisés devrait accroître les besoins de formation et donc la construction de systèmes interactifs d'apprentissage. Le travail de l'enseignant pourrait s'en trouver modifié. Au lieu de perdre du temps à se débattre avec la programmation informatique, l'enseignant manipulerait des contenus pédagogiques sans se soucier de l'ingénierie logicielle. Ses manipulations subjectives correspondraient à l'esprit des didacticiels: découpage du contenu (corpus de notions et de méthodes), organisation du cheminement dans les connaissances, simulation de modèles et de situations apprenantes, mise en place de phases d'interactivité (dialogue homme-machine et enseignant-enseigné à distance ou en face à face), conception d'aides pédagogiques et de systèmes d'évaluation et de validation, délégation partielle du tutorat à d'autres enseignants, partage des connaissances (cours, exercices, bibliothèques virtuelles) entre enseignants et même entre apprenants.
En somme, l'avenir de l'EAO semble résider dans une combinaison de savoirs humains et d'informations accessibles automatiquement, où les technologies numérisées n'ont pas un rôle de commandement mais d'assistance intelligente, c'est-à-dire structurée en systèmes-experts non directifs et ouverts.
Conclusion: l'EAO, vecteur de l'éducation de masse
Il ne faut pas se cacher que, malgré ses progrès, l'EAO correspond à une industrialisation des sources d' information et des méthodes de transmission des savoirs. Apparu dans les années 60 avec l'arrivée massive d'élèves dans le système éducatif, affiné à partir de 1970 avec la croissance des universités et de la formation continue des adultes, l'EAO est une double tentative de réponse à l'inflation d'apprenants et à la pénurie relative d'enseignants. L'EAO a aussi payé la rançon d'une illusion techniciste croyant au remplacement de l'intellect humain par une machine intelligente.
Mais l'EAO a prouvé, notamment à travers la logique de l'interopérabilité des systèmes d'information, que nombre de fonctions intellectuelles pouvaient être automatisées (recherche documentaire, correction d'exercices, partage de ressources, traitement de textes, de sons, d'images, etc.). Rien ne s'oppose en théorie à ce que les technologies virtuelles guident l'acte d'apprentissage pour une large part, en libérant les enseignants d'un certain nombre de tâches, ce qui leur permettrait de mieux se consacrer à l'élaboration des contenus et des méthodologies de la progression pédagogique. Pour ce faire, la banalisation et le perfectionnement des technologies devraient permettre que l'affectivité et la socialité des acteurs de l'éducation soient mises à l'abri d'une mécanisation effreinée.
Cette perspective n'est en soi ni totalement rassurante ni exagérément inquiétante. Au plan des risques liés à l'informatisation des savoirs, on peut craindre:
- un isolement accru des individus en relation avec les machines à enseigner, d'autant que l'usage de l'ordinateur est de plus en plus privatif (technologies nomades, ordinateur polyvalent à domicile);
- un appauvrissement de l'expression linguistique par suite de l'utilisation fréquente de langages symboliques stéréotypés (franglais, codes simplificateurs);
- une dépendance dangereuse à l'égard des logiciels et des bases de données, les parcours d'apprentissage étant fournis par les machines logiques;
- une baisse de qualité de l'éducation lorsqu'elle est nivelée pour être accessible à tous et qu'elle juxtapose des technologies et des connaissances hétéroclites rendant ardue toute distanciation critique.
Au plan des avantages attendus de l'informatisation de l'enseignement, on peut citer:
- la possibilité d'apprendre en tous lieux et à toute heure, en bénéficiant d'une information universelle et quasi exhaustive;
- l'économie de techerches documentaires manuelles rendues autrefois aléatoires à cause de l'insuffisance locale des établissements et bibliothèques;
- l'admission dans le système éducatif des personnes situées en marge des lieux d'apprentissage (handicapés, malades, personnes âgées, mères de famille, habitants de contrées sous-équipées);
- l'aide et la remédiation connexes à la scolarité et à la formation normales;
- la compréhension et la construction d'une vision systémique et logique de la progression pédagogique, à partir du moment où l'EAO dépasse le stade du tutorat autoritaire en dévoilant non seulement des connaissances mais les instruments et les méthodes qui président à leur élaboration.
La tendance la plus avancée de l'EAO consiste aujourd'hui à mettre l'apprenant en situation d'apprendre, plutôt que de lui infliger des notions cumulatives soumises à une évaluation plus ou moins arbitraire.
Au total, s'il n'est guère aisé de prévoir l'évolution prochaine des didacticiels et du multimédia, principalement redevable des recherches en intelligence artificielle, on peut au moins repérer trois tendances.
La première est à la banalisation des outils éducatifs, dont la création, la reproductibilité et l'usage s'étendent considérablement.
La deuxième concerne la massification induite par l'extension générale des possibilités d'apprentissage, allant du système public d'éducation aux organisations privées (entreprises, associations, clubs de formation - qui sapent le monopole de l'Etat), des lieux d'enseignement spécialisés aux réseaux locaux et mondiaux de partage des connaissances, des collectifs scolaires aux individus apprenant individuellement chez eux.
La troisième tendance vise la rationalisation et l'industrialisation des processus de formation, incluant la conception de progiciels-didacticiels eux-mêmes assistés par ordinateur, la diffusion de CD-ROM et DVD produits à grande échelle et à coûts réduits tout comme les ordinateurs et autres télé-médias, l'installation de plate-formes de formation, la numérisation et la communication d'informations de toutes sortes, et enfin la manipulation de contenus cognitifs orientés vers la rentabilité individuelle et commerciale.
Il faut bien en conclure au danger d'une dualisation, certes pas nouvelle, chez les impétrants de la formation, séparant ceux qui auront accès à une éducation personnalisée dans un contexte institutionnel privilégié, et ceux qui devront affronter l'anonymat et la standardisation des téléformations guidées par logiciel, voire ceux qui resteront carrément exclus de toute formation sérieuse dès la fin de la scolarité obligatoire.
Mais quoiqu'il se passe, l'introduction des technologies d'enseignement assisté par ordinateur ne diminuera pas la centralité toujours actuelle de l'éducation dans la promotion de citoyens autonomes.
Bibliographie sommaire
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