Internet fait rêver, ou fait peur. Y-a-t-il moyen de
sérier la cohorte de questions qui accompagne cette technologie
dont on nous annonce chaque mois la déferlante et pouvons-nous identifier
les raisons qui incitent de multiples acteurs à diaboliser le "phénomène"
Internet ?
Je commencerai par reformuler plusieur questions actuelles
dans leur contexte historique et technologique, pour ensuite appréhender
la relation d'Internet au national.
C'est à ces deux questions que je m'efforcerai de répondre,
avec des arguments qui n'engagent que moi, même si les éléments
que j'avance ont souvent été rapportés par mes collègues,
dynamiques participants de l'Atelier Internet à l'École normale
supérieure.
Approche historique
Tentative de définition.
Suivant les auteurs, Internet existe depuis 1972 (premiers
protocoles), 1986 (courrier électronique), ou 1989 (langage html).
En 1990, environ 500 personnes pratiquaient Internet en France, et en 1994,
même les utilisateurs éclairés avaient du mal à
comprendre pourquoi les bases WAIS semblaient si prodigieuses aux informaticiens
(pour le profane, la convivialité était déjà
là, mais pas le contenu).
L'Internet pour le grand public n'apparaît en France
qu'en 1995, avec la diffusion massive des feuilleteurs comme Netscape,
Mosaic, OmniWeb etc. et la multiplication des articles dans les médias.
Pour beaucoup (y compris certains scientifiques qui ont connu
les adresses bitnet), la "navigation html» s'oppose aux austères
commandes Unix qui permettaient de rédiger, d'envoyer et de gérer
le courrier électronique, et de transférer des données.
Si en termes de pratiques sociales, la distinction courrier/navigateur
a peut-être un sens, techniquement, cette distinction n'est pas fondée,
pour au moins les raisons suivantes :
- un navigateur ne fait que reprendre, en les enrobant, les
protocoles déjà existants (SMTP, FTP, WAIS...).
- les anciennes commandes sont toujours d'actualité
quand les réseaux sont surchargés..
- si l'on veut passer au stade de la production (émission
d'informations), ou simplement survivre au milieu des multiples normes
d'écriture, un minimum de culture informatique, liée ou non
à Internet, s'impose.
Je retiendrai l'expression de Jean-Claude Guédon qui
qualifie Internet de "bouquet de protocoles". C'est avant tout un
système de communication peaufiné de façon exceptionnellement
rapide et d'assez bonne facture, bien que non encore stabilisé,
qui permet aujourd'hui des échanges entre individus ou groupes d'individus,
le transfert et l'interrogation de données, la publication ; le
tout sous des formes assez souples (acceptant texte, son, vidéo...).
Avant de générer de nouvelles pratiques sociales et d'imprévisibles
détournements, Internet redonne vie à beaucoup de questions,
certaines vieilles comme le monde, toutes liées aux mythes accompagnant
un progrès technique, réel ou présumé.
Divers "progrès" techniques
inséparables.
Le phénomène Internet n'existerait pas sans la
rapidité des transferts de données (débit des tuyaux),
la puissance des machines et l'existence de langages évolués
(cf. indexations totales). A ce titre, Internet s'inscrit dans une évolution
technologique qui va du traitement de texte des années 1980 aux
robots futuristes de Negroponte ; de cette évolution générale
qui semble naturelle aux uns et dangereuse aux autres, n'est présenté
que l'Internet, qui en serait la face émergée.
Si Internet nous donne le goût ou le désir d'avoir
des automates qui trient notre courrier, interrogent des bases de données
en notre absence ou téléchargent des pages html la nuit,
ce sont surtout les machines et les systèmes d'exploitation actuels
qui permettent la réalisation de ces "majordomes" et autres
robots, et accroissent ainsi notre confort. Mais ce sont les mêmes
machines et systèmes d'exploitation qui participent, comme la carte
bancaire et le téléphone, d'un plus grand contrôle
social (le monde Unix en est sûrement le meilleur exemple).
En revanche, un autre problème, tant lié à
l'Internet qu'à l'informatique générale, est fréquemment
passé sous silence : l'informatique est une science ou une technique
non stabilisée, en perpétuelle amélioration, ou en
perpétuel devenir, qui place produits et usagers dans une situation
inconfortable ; il est si facile de basculer dans le désuet ! Dans
cette course incessante à l'actualité, à la mise à
jour, au produit "idéal", le logiciel, le protocole ou l'expert
d'aujourd'hui, sont déjà suspectés d'obsolescence
: il suffit de penser à demain pour en être convaincu. Devant
cette inquiétude diffuse liée à la perpétuelle
instabilité du progrès technique, Internet est un coupable
idéal, car cette technologie n'est pas encore entrée dans
les moeurs, c'est à dire dans les coûts de production des
entreprises (qui oserait aujourd'hui contester un investissement dans un
tableur ?). Mais c'est aussi un mensonge par omission qui nuit le plus
aux promoteurs d'Internet : lorsque ces derniers le présentent comme
un produit -informatique- enfin stable, les sceptiques entendent "produit
informatique supplémentaire". Donc intrinsèquement instable,
impliquant un investissement intellectuel de plus, et bien entendu incessant.
Les réseaux.
Les réseaux d'information ne sont pas si nouveaux. D'après
Serge Benoît (1), cela fait 150 ans qu'existent
des réseaux qui transportent à la fois des marchandises,
de l'énertgie et d l'information. Le chemin de fer n'a pu notamment
se développer sans le télégraphe électrique
: "C'est pour permettre la gestion, en sécurité, des convois
que la première ligne de télégraphe électrique
est apparue, en 1837, en Angleterre, le long de la ligne de chemin de fer
de la gare londonienne de Euston à Paddington" (2).
Ce même auteur rappelle les très lentes évolutions
d'une technique : l'électricité a été d'abord
imaginée et utilisée comme vecteur d'information et non pas
d'énergie. Il faudra un siècle complet, de la découverte
des courants faibles à la maîtrise des courants forts, pour
que l'électricité s'impose devant d'autres réseaux
d'énergie (eau, air sous pression, etc.).
Ne nous laissons donc pas surprendre par ce "nouveau"
réseau d'information qu'est l'Internet ! Du même coup, sachons
relativiser les discours autour des révolutions industrielles,
nés avec... la Révolution française.
L'information
Internet est en train de devenir un formidable réservoir
d'informations pour l'ensemble des universitaires. Outre les catalogues
des bibliothèques (surtout américaines) qui, depuis plusieurs
années, fournissent de précieux services, outre les articles
des informaticiens, dont la diffusion est "classique", nous voyons
un nombre croissant de laboratoires de recherche et d'individus déposer
des informations sur le réseau. Au delà des problèmes
d'homogénéité (coexistence d'informations pertinentes
et structurées et d'informations fausses ou de mauvaise qualité,
d'effets d'annonce (3)), nous pouvons cerner trois
types de problèmes qui, eux aussi, dépassent le simple cadre
de l'Internet :
La structuration de l'information : si j'ai deux copies
électroniques de mon carnet d'adresses, une (au moins) des deux
ne sera jamais à jour. En pratique, l'informatique ne règle
pas ce problème : les ordinateurs, avec leurs systèmes d'exploitation
incompatibles, les logiciels diversifiés... favorisent la multiplication
des versions, des variantes. Paradoxalement, Internet tendrait à
éliminer ce problème : nous n'avons plus à déplacer
(via des disquettes, des imprimés...) ou à traduire l'information,
qui peut rester résidente sur la même machine. Le codage et
le système d'interrogation, qui renouent avec les volontés
d'universels, contribuent aussi à cette économie (4).
Mais peu d'utilisateurs ont l'idée ou les moyens d'éviter
la duplication de l'information, en usant de robots (rarement internétiques)
qui supprimeraient le copier/coller non dynamique (5)
; de façon analogue, peu d'utilisateurs pensent à distinguer
la structure de l'information de sa mise en forme.
La situation des professionnels de l'information : les
documentalistes sont malmenés depuis des lustres par la succession
de supports documentaires, chacun chassant le précédent par
sa seule vertu de produit moderne. Déjà ce fait est inconfortable
: des fiches dans une boîte à chaussures seront plus utiles
aux lecteurs d'une bibliothèque qu'un mauvais logiciel d'interrogation
sur CD-ROM ou Internet.
Par ailleurs, certains bibliothécaires, attachés
à leur système de classement, voient d'un mauvais oeil la
fin de la "tyrannie des mots clés" : avec les capacités
d'indexation intégrale, le catalogage traditionnel et ses spécificités
sont menacés ; en revanche, les protocoles d'accord entre bibliothécaires
deviennent plus simples à établir.
Arrive là-dessus l'Internet ; la profession peut se
demander si cette ultime technologie ne va pas lui asséner le coup
de grâce : des outils aussi différents que Frantext et Alta
Vista peuvent faire croire au témoin occasionnel que les documentalistes
vont disparaître, comme les dactylographes ont disparu avec l'apparition
du traitement de texte. Il me semble que non. Au contraire, un nouveau
métier, "documentaliste Internet", est en train d'apparaître
(6).
Le support : il existe une fascination pour les vecteurs
du savoir ; nous pouvons aimer les livres et leurs reliures autant que
leur contenu. Et les supports de la connaissance (tablette d'argile, papyrus,
livre ou bande magnétique) sont souvent "magnifiés"
; Internet, point focal des discours sur la nouvelle "bibliothèque
universelle", peut être vu d'un mauvais oeil par des personnes
qui ont investi, par passion ou nécessité, dans d'autres
supports.
Enjeux et procès actuels
Derrière les procès faits à l'Internet
et qui souvent résultent de questions mal posées, se profilent
des enjeux réels. Qui va s'approprier Internet en France dans les
années à venir ? Quel sera le sens de l'espace France
dans cette question ? Il s'agit donc ici d'aborder les questions qui
évoquent la sécurité, les détournements en
termes de pratiques sexuelles, les mythes universels... pour en tirer une
grille d'analyse historique et sociologique.
Vices et vertus présumés du support.
Commençons par tordre le cou à trois questions
:
Internet est-il intrinsèquement porteur de démocratie
?
Nous imaginons difficilement qu'une technique puisse avoir
une "essence" politique. Ou alors le magnétophone aurait
une essence nazie. En revanche, je pense qu'Internet s'est développé
au sein d'équipes diverses pratiquant une forme d'élitisme
démocratique (ce qui est tout à fait normal dans un réseau
de chercheurs). Comparés à d'autres normes (largeur des voies
de chemin de fer, normes des réseaux téléphoniques,
vidéodisque numérique...), les choix des standards Internet
se sont réalisés de façon rapide et souple ; cette
souplesse a été une des causes du succès de l'Internet
; mais si les projets de réseaux dits propriétaires ou
hiérarchisés se sont faits déborder par la
qualité des protocoles Internet et par les rapides accords entre
innovateurs, cela prouve éventuellement qu'un groupe large et informel
de chercheurs a su fabriquer un meilleur produit que l'industrie ; cela
peut remettre en cause des hiérarchies non fondées sur la
compétence, mais n'offre aucune garantie contre des usages futurs
de l'Internet bien peu compatibles avec la démocratie.
S'il y a une "utopie" Internet, c'est bien sous l'angle
du progrès technique : nous assistons à l'émergence
d'un produit scientifique quasi-fini, disponible pour les industriels qui
voudraient en faire profiter le grand public, dans la logique utopique
d'une harmonie(7) entre innovation technologique,
fabrication de masse et consommation. Mais nous sommes dans une période
probatoire, et il n'est pas assuré que les trois acteurs (l'inventeur,
l'industriel et le consommateur) s'entendent ou même se comprennent.
Et le produit Internet reste tellement dépendant de ses fondateurs
qu'il est encore évoqué avec leurs mots et leurs concepts
: les métaphores du monde informatique (démocratie, liberté,
autonomie, absence de hiérarchie), qui parfois ne concernent que
les électrons d'un réseau, d'autres fois sont applicables
à l'espace social de certains informaticiens, peuvent n'avoir qu'un
très lointain rapport avec nos réalités, économique,
industrielle ou politique.
Internet est-il plus dangereux que les médias traditionnels
?
Dans une telle question, un glissement sémantique confond
le bouquet de protocoles et le support, puis le support et son contenu.
Des confusions de même type permettraient de se demander si -après
notre magnétophone- le papier permet plus la diffusion d'idées
révisionnistes que le satellite ou le fil de cuivre ; mais elles
rappellent toute l'ambivalence des discours (et des décrets) sur
la censure : une revue, une vidéo sont (parfois) plus difficiles
à dénicher si elles sont "interdites", mais sans plus.
Réciproquement, les discours sur l'impossibilité de censurer
Internet deviennent caducs avec l'exemple (français) des groupes
de news alt. (8) : un mail du ministère de l'Éducation
aux administrateurs réseaux des principales universités françaises
(et principaux pourvoyeurs de l'Internet en France) a vite tari l'accès
à ces groupes. Complètement ? Non. Toute personne bien informée
peut dénicher l'adresse d'un serveur de news non censuré.
Comme pour une revue interdite ! Mais l'utilisateur lambda aura bien du
mal à dénicher les groupes alt.chinese.text ou alt.music.alternative
au moment où les groupes traditionnels se font envahir par les images
non pieuses.
En revanche, nous pouvons effectivement nous demander si l'Internet,
avec sa structure étoilée quasi-infinie, ne provoque pas
une concurrence directe avec les autres supports d'apparence plus "close"
(livre, journal, CD-ROM). Mais est-ce un support qui s'oppose à
d'autres ou une concurrence entre les actuels propriétaires des
médias qui s'exacerbe, ces derniers criant au loup tant que leurs
prérogatives ne seront pas amplifiées ?
Quant au problème de la fiabilité de l'information,
il n'est pas non plus propre au support : combien d'articles de notre quotidien
préféré nous semblent-ils vrais ? La plupart, à
l'exception de ceux... qui touchent à notre domaine d'expertise
! Dans le domaine politique, mais aussi dans le domaine scientifique, est
souvent vrai ce qui est énoncé par le pouvoir.
Internet est-il antinomique de la sécurité
?
Deux conceptions de la sécurité prévalent
et s'ignorent : l'une, d'ordre économique, relative aux transactions
financières et à la propriété intellectuelle,
l'autre d'ordre politique, autour de la confidentialité des messages
échangés.
Là encore, si les questions sont pertinentes, elles
dépassent largement le cadre de l'Internet ; de plus, des réponses
sont en passe d'être proposées, au moins dans le premier cas
: il suffit d'attendre que des groupes de monétique soient suffisamment
motivés pour qu'une solution technique soit élaborée
(9).
Dans le second cas, le cryptage total ou partiel apporte des
éléments de réponse, au moins nationaux. Mais le respect
de la vie privée est aujourd'hui au moins autant menacé par
les centraux téléphoniques, qui peuvent enregistrer des échanges
téléphoniques dès que certains mots "sensibles"
sont proférés, que par la surveillance du courrier électronique.
Et là encore, la puissance actuelle des machines (capacités
de stockage et de recherche) fait voler en éclats l'argument déjà
ancien qui prétendait que les machines ne pourraient tout
surveiller.
L'universel et le national.
Variantes nationales des universels.
Internet touche à divers registres réels ou supposés
de l'universel ; c'est sûrement à ce titre que ce réseau
(et ses protocoles) est à la fois extraordinairement défendu
et combattu ; nous avons déjà évoqué l'unicité
de l'information, la souplesse de la publication et surtout, la facilité
d'interrogation des connaissances éditées (réel point
de rupture entre l'ordinateur et les supports traditionnels, même
si un livre, via son sommaire, son index, est déjà bien plus
interrogeable qu'une vidéo) ; mais il nous faut revenir sur l'écriture.
Pour la première fois depuis que les ordinateurs existent, la moitié
des langues latines peut s'écrire et se lire sans problème
; à ce titre l'horrible "é" (10)
est un progrès qui annonce les avantages des futurs codages sur
16 ou 32 bits adaptés à l'édition et au(x) tri(s)
de quasiment toutes les langues (11).
Mais les mythes "universels" ont un défaut, celui
d'avoir des variantes nationales qui ne s'accordent pas ; pire, elles s'opposent
par incompréhension, par inadéquation des traductions, quand
souvent les mots qui portent ces mythes universels sont les mêmes.
Les malentendus franco-américains, initiaux ou construits, sont
certainement les plus perceptibles. Par exemple, si nous nous tenons aux
notions de culture, de liberté individuelle, de démocratie,
nous réalisons très vite que, chez des personnes de sensibilité
intellectuelle équivalente :
- pour un Français, l'idée d'une culture généreuse
est inimaginable dans un pays qui a des citoyens de seconde classe (les
"Noirs") et un enseignement payant (non uniformément pris
en charge par l'État). L'association fréquente "culture
américaine = Hollywood + Walt Disney" ne fait rien pour arranger
les choses.
- pour un Américain, l'État français est
bien trop monopoliste (télécommunications, mais aussi système
judiciaire trop faible face à l'exécutif) pour être
un garant honnête des libertés publiques, même s'il
invoque l'héritage de la Révolution française.
Je pourrais donner d'autres exemples, plus éloignés
de la réalité Internet, qui témoignent de ces problèmes
de traduction des "universels". Il serait aussi intéressant
de voir à quel point dans chaque pays, les notions de service
public et de domaine public sont à la fois référence
identitaire d'un national et espace d'incompréhension pour
l'autre.
Désigner l'ennemi.
Si déjà les universels ne s'accordent pas, qu'en
sera-t-il des représentations des usages honteux, par exemple
en matière de sexualité ? Comment des pratiques euphémisées
ou non-dites peuvent-elles être traduites à l'étranger
? Quand France-Telecom prétend que le Minitel rose ne concerne que
15% des connections, est omis le fait que cette minorité d'utilisateurs
se connecte si longtemps qu'elle a pu, certaines années, être
à l'origine de 85% des profits du Minitel. Les Américains
ont bien compris la leçon, qui ont décliné cette étiquette
"rose" pour ternir l'image de marque du candidat à l'exportation
qu'était le Minitel. Aujourd'hui, en France, l'Internet est estampillé
"pédophile". Simple échange de bons procédés
commerciaux ? Ou de façon plus complexe, problèmes d'harmonisation
des représentations fantasmatiques issues de diverses cultures nationales
? Dans les deux cas, au moins en France, le caractère international
d'Internet est dénié. Ce réseau serait le refuge d'homosexuels
américains, face à quoi le Minitel "gaulois" serait
bien digne, légitime. Or, en France, le national n'est jamais loin
de la gauloiserie. Et en diverses occasions, il se pose en défenseur
du peuple contre le "mal" (12).
Car si Internet appartient à tout le monde, s'il n'a
pas d'identité, cette technologie devient difficile à combattre.
A ce titre, le placage d'identité américaine de l'Internet
permet de le vêtir des habits du méchant, au moins du suspect.
Cela durera-t-il le temps que les industries "nationales" trouvent
le moyen de (re)faire fortune avec ce nouvel objet ?
Les auteurs
Encore aujourd'hui, les utilisateurs d'Internet comprennent
qu'un enrichissement du réseau, en qualité comme en contenu,
passe par de multiples apports individuels. Les pages Web s'améliorent
et se multiplient de jour en jour. Les sciences sociales, quasi-absentes
de l'Internet (13) il y a deux ans, en sont un bon
exemple. Depuis octobre 1995, de nombreux laboratoires se présentent,
déposent leurs travaux, invitent au dialogue... Aujourd'hui, en
histoire comme dans les sciences de l'Antiquité, on peut vivre sans
Internet ; mais un détour par le réseau apporte au jeune
thésard beaucoup d'informations d'ordre bibliographique et au moins
autant sur l'état -international- du champ. Ce qui dynamise la recherche
de façon non-négligeable.
Mais cette logique de communication apparaît encore mal
aux partisans de la diffusion. Et si Internet bégaie encore en France,
c'est certes à cause de son coût, mais c'est aussi à
cause de lacunes de contenu (cf. le problèmes des premières
bases WAIS). Donc Internet a encore besoin d'auteurs. Mais pour les diffuseurs
traditionnels (éditeurs, TV...), ce produit appartient déjà
trop aux auteurs individuels, et pas assez aux institutionnels. Comme si
les habitudes de protectionnisme, voire d'autoritarisme (14),
une fois de plus, espéraient l'emporter sur un mode d'échange
peut-être novateur, mais aussi porté par des praticiens critiques
vis-à-vis des diffuseurs de livres ou d'images. Il y a là
une forme de tension producteur/consommateur très politique, teintée
d'une absence d'optimisme typiquement... française.
Si nous sommes surpris par la vigueur des résistances
nationales, privées ou publiques, devant un Internet qui a plus
l'allure d'un épouvantail que celle d'un ogre, gardons en tête
l'idée que les "consommateurs" ne vont pas bousculer de sitôt
ces barrières instituées. Car la pratique de l'Internet actuel
est difficile, elle nécessite un fort accompagnement au début,
elle est souvent rebutante. Mais cette ultime assertion n'a pas non plus
droit de cité.
Pourtant des entretiens avec des chercheurs et des enquêtes
statistiques montrent que les pratiques autour de l'Internet se diffusent
lentement dans un lieu comme l'Ecole Normale Supérieure, malgré
un miltantisme certain des informaticiens
Notes
-
Archéologue industriel et historien, invité
à l'Atelier Internet.
-
Cf. http
://elias.ens.fr/atelier/seance6.html
-
Mais a-t-on jamais voulu évaluer tous les centres
de recherche du monde ?
-
C'est d'ailleurs, d'après Jean-Marie Hullot,
l'une des "grandes" utopies actuelles des informaticiens californiens.
-
Le "publier/s'abonner" du Macintosh n'est-il
pas un échec ?
-
Le lecteur désireux d'en savoir plus sur ce thème
peut consulter les articles de Christine Ducourtieux, documentaliste à
l'ENS et participant à l'atelier Internet, à l'URL suivant
: http ://elias.ens.fr/atelier/CD.html
-
Ce discours est d'ailleurs plus développé
aux États-Unis et au Canada qu'en France.
-
Groupes "alternatifs", qui comprennent bon nombre
de discussions et d'images à connotation souvent sexuelle, mais
pas toujours. Des rubriques marginales y sont aussi présentes.
-
Ce qui se produit déjà avec Visa et la
société Verisign (The Economist, July 27th - August 2nd 1996,
p. 56) et s'étend en France avec l'expérience de la Compagnie
Bancaire.
-
Qui permet d'éditer un "é"
-
Cette dernière fonction est la fois simple et
fondamentale. Rappellons-nous combien d'années ont été
nécessaires pour maîtriser "notre" ordre alphabétique
(et encore, sans accents !).
-
Les groupes de news alt.* ont été autoritairement
supprimés pour lutter contre une prétendue menace pédophile.
A l'heure où ces lignes sont écrites, nous sommes sous le
choc de l'affaire Dutroux et de ses conséquences. Les radios nous
apprennent que des Allemands, des Hollandais... ont des pratiques abominables
avec des jeunes enfants d'Europe de l'Est. Les Français seraient-ils
génétiquement et éternellement hors de cause ?
-
A l'exception de l'université d'Oxford, très
active, n'existaient que des pages militantes d'un goût aussi douteux
que l'était leur scientificité.
-
Faut-il attendre que le produit soit suffisament ébauché
pour mieux le rapter ?