De lĠurbanisation ? la 'glocalisation' LĠimpact des technologies de lĠinformation et de la communication sur la vie et la forme urbaine. Blaise Galland
J'aimerais montrer brièvement trois choses dans cet article.
La première, c'est la difficulté que nous avons à prendre conscience que la façon dont nous traitons, processons et communiquons l'information est une variable essentielle pour comprendre la forme et le sens de la ville. Je donnerai deux exemples et tenterai une explication théorique.
La deuxième, c'est comment les "nouvelles" technologies de l'information changent radicalement le sens de la ville en déplaçant, dans le cyberespace, sa fonction essentielle de noeud d'échange d'informations. Ce nouvel espace public résulte de la fusion entre l'informatique moderne (1) et les télécommunications, permettant ainsi d'interconnecter entre elles les mémoires des ordinateurs du monde entier pour ne former plus qu'un seul immense ordinateur réticulaire, sans centre ni périphéries, et fonctionnant à la vitesse de la lumière.
Enfin, la troisième sera d'avancer l'hypothèse, paradoxale, que les premiers effets de cette globalisation dans l'univers des bytes sera de renforcer les réseaux sociaux locaux, d'accentuer les disparités locales plutôt que d'unifier le monde dans une culture unique, "américaine", comme beaucoup d'intellectuels l'ont craint ces dernières années. Si cette hypothèse s'avère plausible pour les raisons que je vais développer, alors nous sommes entrés de plain pied dans un nouveau processus d'appropriation de l'espace, dans une nouvelle façon de nous relationner au territoire et de nous l'approprier pour qu'il subvienne à nos besoins. J'appellerai ce processus celui de la "glocalisation", c'est-à-dire le processus double par lequel la ville se décharge de sa fonction de production, d'échange et de traitement de l'information en la déplaçant dans le cyberespace, tout en développant, conséquemment, de nouvelles formes d'organisations socio-spatiales au niveau local.
L'information, sa transmission et la ville
Jusqu'à présent les urbanistes et les historiens de la ville ont sous-estimé l'importance des technologies de l'information sur le développement de la forme urbaine. L'accent a surtout été mis sur les divers développements techniques qui ont pu, dans l'histoire, marquer le développement des agglomérations urbaines. Ainsi, par exemple, nous savons que c'est le développement de l'artillerie qui a rendu obsolètes les murailles et les enceintes des villes du Moyen âge, et ainsi présidé à leur démolition, laquelle a permis, à son tour, l'extension du territoire urbain. La machine à vapeur a permis le développement de l'industrialisation, la construction de zones industrielles, l'édification de villes minières ayant comme fonction d'alimenter en charbon ces machines à vapeur. Le développement du train qui a suivi a permis l'ébauche d'une mise en réseau des villes, et les gares sont devenues de véritables ports, souvent monumentaux, au centre des villes, créant des espaces quasi mythiques de liens bien réels entre l'intérieur et l'extérieur. La révolution de la pétrochimie, qui a fait naître l'automobile, a permis aux riches de quitter les centres des villes engorgés et pollués et d'amorcer ainsi le processus de péri-urbanisation.
Tous ces développements techniques - et je n'en ai mentionné ici que quelques-uns, sans même faire référence à l'évolution des matériaux de construction - ont contribué fortement à l'évolution du phénomène urbain. Mais ces prouesses de l'histoire de nos techniques ne portent ici que sur les flux de biens (des atomes (2)), que ceux-ci soient des personnes ou des marchandises.
Peu de liens ont été établis entre la ville et les techniques dont les sociétés ont fait usage pour produire, stocker, traiter, transformer, diffuser et recevoir les informations. Nous sommes culturellement portés à croire qu'une ville est quelque chose de "matériel", et que l'information et la communication ont quelque chose "d'immatériel". Et nous avons également une forte inclinaison culturelle à penser que les choses "immatérielles" n'ont pas de pouvoir sur le "réel".
Il faut comprendre que - hier comme aujourd'hui - l'information et sa communication sont des choses "réelles" ; je me contenterai de donner deux exemples historiques démontrant particulièrement bien, à mon sens, l'importance de cette variable explicative de la forme urbaine que sont les techniques de communication : le premier montre l'effet de l'invention de l'écriture sur l'apparition des villes ; le second s'attache à montrer que sans le téléphone il est impossible d'imaginer construire un gratte-ciel.
Le premier exemple nous fait remonter loin dans l'histoire. Celle-ci nous montre, en effet, une corrélation entre l'apparition de l'écriture et celle des villes (3). Comme si une ville n'était pas possible sans cette technique particulière de production, de conservation et de transmission d'informations. Effectivement, cette corrélation/causalité entre l'un et l'autre s'explique aisément dès le moment où une agglomération (un "settlement", un village) devient trop grand pour la mémoire du seul chef de tribu. Comment imaginer une activité commerciale sans forme d'écriture, comment recenser la population pour savoir combien d'hommes on pourrait lever pour former une armée et quels impôts percevoir, comment inscrire la propriété du sol urbain, etc. ? Sans la technique d'information qu'est l'écriture, une ville n'est pas viable. C'est donc l'écriture - une technique d'information - qui rend la ville (une concentration humaine sur un territoire particulier) possible. Sans l'invention de l'écriture, née sous le développement des échanges commerciaux et des mathématiques, il n'est pas de ville possible, parce que la ville se confond avec la formation de l'Etat. Il fallait en effet, pour qu'un Etat, aussi archaïque soit-il, puisse fonctionner, un support fiable (qui ne se transforme pas avec le temps) et opérationnel pour la mémorisation d'informations ne pouvant plus tenir dans la mémoire d'un seul homme, mortel de surcroît. Il fallait l'écriture pour accomplir l'une des toutes premières tâches d'une administration publique : le recensement de la population. Cette opération, très importante dans l'histoire de l'informatique (4), était nécessaire pour calculer le prélèvement des impôts et le recrutement des soldats, notamment. Le passage de la tradition orale à la civilisation de l'écrit correspond à la naissance du phénomène urbain. Même l'empire des Incas, dont la culture est trop souvent assimilée - à tort - à une civilisation sans écriture, possédait, avec son procédé de cordelettes à noeuds, une des formes les plus élémentaires de mémorisation des informations nécessaires à la fonction étatique.
Ainsi, la formation des villes est indissociable de cette première technique d'information qu'est l'écriture. Sans support fiable de l'information, pas de ville, et pas d'Etat. Les évolutions dans les techniques de transmission d'informations ne sont également pas sans conséquences sur le développement urbain. Du pigeon à l'aéropostale, du messager solitaire au triple galop sur des chemins peu sûrs au postier sur sa mobylette, des feux de fumée des Indiens d'Amérique au télégraphe, puis du télégraphe au téléphone, les hommes n'ont cessé de lutter contre la distance et le temps pour transmettre de l'information d'une personne à une autre. Et ceci avec une contrainte supplémentaire : celle du poids et de la taille du support de l'information. Car c'est en effet ce support qui va déterminer la quantité d'informations susceptibles d'être transmises par le moyen technique employé. Un homme à cheval transportera bien évidemment beaucoup plus d'informations si celle-ci est inscrite sur du parchemin que sur des tablettes en pierre.
L'impact de ces modes de transmission de l'information sur l'urbain est énorme. En premier lieu, ils servent, en se développant (c'est-à-dire en réduisant progressivement les contraintes de l'espace et du temps) à étendre le champ d'action économique et de contrôle de la ville sur sa périphérie, donnant corps ainsi à ce qui constitue la région urbaine. Ce sont eux (avec les moyens de transport des biens matériel) qui vont permettre l'accroissement, dans tous les sens du terme, des agglomérations urbaines. La taille d'une ville dépendait jusqu'à présent de sa capacité à s'assurer le monopole du contrôle des flux de biens et d'informations circulant dans sa périphérie. C'est-à-dire de pouvoir drainer les richesses du territoire pour les transformer. Ensuite, ces modes de transmission permettront de relier les villes entre elles, et de créer des réseaux de villes vibrant à peu près au même diapason. Et par là même de créer des Etats-Nation qui peuvent plus aisément spécialiser l'activité de tel ou tel centre urbain sous son contrôle, et orienter ainsi son développement dans telle ou telle direction, vers telle ou telle identité.
Le téléphone est le moyen de communication qui a eu, dans notre histoire récente, l'importance la plus flagrante dans ces impacts des technologies de l'information sur la forme urbaine et sur son usage. En même temps, cet outil préfigure bien des aspects du bouleversement entamé par les nouvelles technologies de l'information qui sont en pleine explosion aujourd'hui. C'est que le téléphone est le premier média interactif permettant à deux personnes de communiquer en temps réel et sans se soucier de la distance qui les sépare. On pourrait objecter que c'est le télégraphe qui détient cette palme, mais cet outil n'est pas vraiment interactif, et le morse, pour une simple question de temps de codage et de décodage, permettait le passage d'un nombre relativement limité d'informations. Le téléphone a engagé une décentralisation remarquable des fonctions urbaines de contrôle et d'échange. Il a permis à des familles de rester en contact (5) malgré le développement de la mobilité professionnelle de ville à ville. Il est à l'origine de la délocalisation des entreprises et de "l'économie-monde". En même temps que la radio, il a permis le développement des informations internationales en temps quasi réel.
" Sans le téléphone, on n'aurait jamais pu imaginer de construire des gratte-ciel ", écrit Bruce Sterling (6). Les poutres de fer et d'acier, les ascenseurs ainsi que tous les matériaux nécessaires à la construction de ces grands édifices centralisants et centralisateurs que sont les gratte-ciel, existaient depuis bien longtemps. Ce ne serait donc pas des raisons physiques qui auraient retardé la réalisation de ce genre d'architecture, mais des raisons communicationnelles, c'est-à-dire avant tout sociales. En effet, imaginez les problèmes de gestion sociale de l'espace physique d'un gratte-ciel, où l'on aurait des centaines et des centaines de messagers humains en train de transporter du papier (des messages) d'un étage à l'autre, se bousculant dans les escaliers encombrés, ou faisant la queue pour prendre l'ascenseur entre le soixante et unième et le cent onzième étage... Sans le téléphone, un gratte-ciel est sociologiquement impossible, parce que la gestion des flux humains engendrés par l'activité sociale du lieu n'est pas permise par une telle structuration de l'espace.
En même temps que le téléphone autorisait cette massive centralisation dans l'espace urbain, il rendait également possible de travailler partiellement à domicile. C'est un des paradoxes des technologies de l'information moderne : elles permettent la concentration sur le territoire en même temps que la décentralisation (7). Et cela est corrélatif au développement de la périurbanisation. L'activité qui consiste à téléphoner pour prendre des rendez-vous, établir des contacts, effectuer des commandes, répondre à des demandes, etc., ne nécessitait plus le déplacement physique du travailleur de son lieu de domicile à son lieu de travail. La potentialité du télétravail existait concrètement bien avant le cyberespace des ordinateurs, qui développera considérablement cette potentialité d'échange par la transmission de tout "objet" susceptible d'être réduit en une succession de bytes.
Lewis Mumford avait déjà raison : avec les réseaux électriques de transfert d'informations et les voitures, les avantages économiques de villes hautement centralisées ont disparu. Cette concentration sur le territoire, qui était une nécessité économique aux débuts de l'ère industrielle, n'est plus aujourd'hui une condition sine qua non de la viabilité économique des entreprises. C'est donc la concentration et la centralisation territoriale qui voient leur rentabilité économique disparaître, hier dans les fils du téléphone, et de nos jours, de façon spectaculaire, dans les réseaux informatiques (et les téléphones portables).
La ville à l'heure des autoroutes de l'information
Les autoroutes de l'information sont, dans l'histoire des techniques, le point de convergence entre différentes percées techniques relatives aux télécommunications (télégraphe, téléphonie et radio) et au traitement automatique de l'information (par voie électrique, puis électronique : machines Hollerith, cartes perforées, calculateurs électroniques, ordinateur d'architecture Von Neuman). Le mariage de ces deux branches de la technique récente a pu s'opérer grâce à l'invention de deux composants physiques radicalement neufs : le circuit intégré (pour le traitement de l'information) et le câble optique (pour sa transmission). Le premier, la puce de silicium, est parvenue à intégrer sur une surface dérisoire (de l'ordre du millimètre carré) les fonctions essentielles des premiers ordinateurs qui étaient contenues dans plusieurs dizaines d'armoires remplies de tubes à vide, donnant ainsi au plus vulgaire des PC une capacité et un coût de traitement de l'information incroyablement plus performants que les ordinateurs de première et deuxième génération. Le deuxième est le câble optique qui transporte l'information sous forme d'impulsions lumineuses plutôt que sous celle des impulsions électriques des câbles de cuivre. Dans les deux cas, nous sommes en présence d'ondes électromagnétiques, mais les fréquences sont très différentes. La largeur de bande fut pendant longtemps l'obsession majeure des ingénieurs en télécommunication, car la quantité d'informations transmissibles sur un canal est parfaitement proportionnelle à la largeur de la gamme de fréquence. Avec le câble optique, cette largeur passe à une taille propre à faire exploser l'imaginaire des ingénieurs en télécommunication.
Le terme d'"autoroute" (de l'information) est une très pauvre analogie pour illustrer la révolution technique qui s'opère aujourd'hui. En effet, si l'on compare très grossièrement une route nationale (disons de 7 mètres de large) au réseau téléphonique actuel, et une autoroute moderne au réseau de câbles optiques envisagé, il faudrait imaginer une autoroute pour voitures qui aurait 21 kilomètres de large !!! Ainsi, l'analogie serait respectée puisque le câble optique est en mesure de transporter, dans le même temps, au moins 3000 fois plus d'informations que le câble téléphonique en cuivre.
Les implications sociales et urbaines d'un tel développement technique sont sans précédent. Pour s'en rendre compte, il suffit de s'arrêter un moment et de poser son regard, non seulement sur tout ce qui, dans la vie quotidienne urbaine d'aujourd'hui, relève de la création, la récolte, le traitement et la transmission d'informations, mais sur ce qui pourra se faire demain à ce niveau-là avec les autoroutes de l'information. On s'aperçoit que ce sont tous les niveaux de l'activité humaine, sociale, politique et économique qui sont alors concernés.
Répondre à la question de savoir pourquoi les technologies de l'information et de la communication sont si importantes pour le sens de la ville et sa forme, c'est en même temps poser la question de savoir finalement ce que peut bien être une "ville". La théorie générale des réseaux nous donne une définition minimaliste, mais assez appropriée de ce qu'est finalement une ville : c'est un noeud d'échanges de biens et d'informations. Ce sont des habitations construites autour du marché et de l'agora (ou du forum), les deux pièces maîtresses de la raison d'être de se concentrer sur le territoire pour former des villes : échanger le plus rapidement possible des biens et des informations. On a pu dire que l'histoire de l'humanité pouvait se réduire aussi à l'histoire de sa lutte acharnée contre le temps et la distance pour le transfert de ces biens et de ces informations. La concentration sur le territoire était une réponse économiquement "naturelle" à cette nécessité économique.
Mais aujourd'hui, avec les nouvelles technologies de l'information et de la communication, nous devons nous rendre à l'évidence que cette concentration sur le territoire n'est plus une nécessité absolue pour la fonction publique de l'agora, pour celle des échanges d'informations. Sur ce plan-là, l'humanité peut se targuer d'avoir gagné cette guerre ancestrale contre le temps et la distance. Elle avait commencé avec le téléphone, qui permettait un échange d'un à un. Maintenant, ce sont des échanges de (virtuellement) tous à (virtuellement) tous, et on peut y transmettre bien d'autres choses que la voix : tout ce qui peut être réduit en bytes.
La transformation des espaces publics
C'est donc, avant tout, sur toute la fonction d'espace public que les technologies de l'information vont avoir l'impact le plus radical (8). De même, et de façon conjointe, les espaces de travail vont également pouvoir se transformer dans le sens de la délocalisation.
Dans nos villes, de nombreux édifices, liés à la fonction d'échange et de traitement de l'information, avaient une valeur de point de repère symbolique dans le tissu urbain. L'office des postes, les musées, les universités, les bibliothèques (pour ne citer que ceux-là) se caractérisent souvent par leur taille et leur apparence monumentaliste. Des espaces de loisirs, également, comme l'opéra, les cinémas ou les casinos suivent cette même logique. Or, avec les autoroutes de l'informations, tout porte à croire que la poste va disparaître pour les lettres (pas pour les paquets) ; finie l'image du facteur sur son vélomoteur, finis les clubs de philatélistes, finie l'image de l'enveloppe, disparues les boîtes aux lettres. Finie aussi l'image moderne des toits de Paris devenus véritable forêt d'antennes de TV. On parle de plus en plus de musées "virtuels", d'universités "virtuelles", et l'on sait l'obsolescence des bibliothèques lorsque le cyberespace est l'instrument documentaire idéal au niveau planétaire, permettant à toutes les bibliothèques d'être reliées dans un même espace dit "virtuel". Enfin, on peut se demander si la TV haute définition, peut-être bientôt en 3D, ne va pas détrôner les espaces publics tels que le cinéma ou l'opéra (déjà, lors du développement du téléphone, on pensait que cet instrument pourrait permettre aux gens d'écouter l'opéra depuis chez eux...).
Au niveau du commerce et de l'activité bancaire, de nombreux changements sont prévisibles. La monétique et les diverses cartes de crédit ont changé le rapport que nous entretenions avec l'argent matériel. Les bancomats, ou "points argent" (en France), deviennent de nouveaux points de repère dans les quartiers ; finies bientôt la queue dans les guichets pour retirer de l'argent de main à main. Les Bonnie and Clyde d'aujourd'hui ne sont plus armés de pistolets, mais d'un ordinateur et d'un modem, et plus rares se font les cachettes de petits pécules sous les matelas. L'activité du samedi après-midi, qui consiste à faire du lèche-vitrines, pourrait disparaître au profit de quelques pérégrinations sur les pages Web des différents magasins. Plus besoin de faire appel aux vendeurs spécialisés : toute l'information serait "à portée d'un click". Avec les autoroutes de l'information, c'est le client qui vient au produit, plus l'inverse, supprimant ainsi toute une chaîne d'intermédiaires, et peut-être même jusqu'aux magasins eux-mêmes.
Le monde de la culture et des médias, des espaces publics "one way" au sens de Jürgen Habermas, comme les livres, la radio et la télévision seront amenés à changer radicalement de forme et de structure, dès le moment où le consommateur sera en mesure de faire son propre programme de TV, son propre journal, sa propre radio en puisant chez tous les diffuseurs du monde entier les seules informations qu'il souhaitera recevoir. Ce genre de média traditionnel, qui jusqu'ici a fonctionné sur un principe de service de proximité, aura vraisemblablement quelque peine à tourner, financièrement parlant.
Bref, un nombre inouï d'activités urbaines liées à l'échange d'information vont disparaître de l'espace de la rue pour se retrouver dans le cyberespace.
La transformation des espaces de travail
Avec les récents développements industriels liés aux progrès de la robotique, des ordinateurs et de leur mise en réseau, la nature du travail a changé pour beaucoup de monde, et pas seulement dans le secteur tertiaire. De plus en plus, nous travaillons sur des bytes qui, agencés entre eux, représentent une réalité matérielle digitalisée et simulée. Toujours plus, nous travaillons sur une matière qui n'est que la représentation du réel. A partir de cette réalité, la présence physique du travailleur aux côtés de sa machine ou de l'objet de son travail est de moins en moins nécessaire. Les contrôleurs aériens ne voient jamais physiquement les avions qu'ils téléguident. On a vu, depuis plus de dix ans déjà, comment un berger des Alpes suisses pouvait, tout en s'occupant de ses vaches, contrôler à mi-temps une centrale hydroélectrique. Un chef d'entreprise peut aujourd'hui, depuis son yacht privé ancré dans une île des Caraïbes contrôler le travail des ses employés dans les différentes succursales du monde, prendre des décisions et les rendre exécutoires, se réunir en vidéoconférence avec ses différents chefs de service, etc. Bref, sans vouloir allonger ici la liste des stéréotypes publicitaires de ceux qui nous vendront demain les autoroutes de l'information, nous voyons que les transformations du monde du travail se caractérisent par les termes de télé-action et de télé-présence, d'ubiquité et de nomadisme, d'a-spatialité et d'a-temporalité.
Les innovations et transformations, tant architecturales qu'urbanistiques, qui découlent de ces caractéristiques techniques se feront sous le signe de la délocalisation et de la déconcentration des espaces de travail (tant publics que privés).
La réaction première des architectes novateurs face à ces nouvelles réalités du monde du travail consiste à réinventer - ou à réaliser enfin - la cité-jardin d'Howard. L'idée de mettre sur pied des "villages électroniques" en pleine nature, si possible dans la ceinture de soleil méditerranéen, titille l'imagination de plus d'un d'entre eux. Que ce soit la conception intégrée d'un village électronique à Las Palmas de Majorque, à 15 minutes de l'aéroport, que l'Atelier 4 des Mossessian espère pouvoir construire, ou la réhabilitation entière, par les frères Sagini, d'un village médiéval abandonné en Ligurie (la Colleta), nous y retrouvons cet idéal de "vie urbaine à la campagne".
Parallèlement, dans les pays scandinaves et dans certaines petites villes des Etats-Unis, on a rapidement vu les avantages apportés par les réseaux informatiques au développement des emplois pour venir en aide aux régions reculées et éloignées des grands centres : il s'agissait de les rapprocher, en réduisant la distance qui faisait d'elles des périphéries. En Suisse, c'était bien là l'idée sous-jacente à l'expérimentation des PTT sur les "villages modèles" : comment faire bénéficier les régions périphériques des avantages dévolus aux centres urbains en "vendant" les technologies de l'information et de la communication.
Une expérience norvégienne faite il y a cinq ans (donc avec une technologie déjà ancienne) a montré que seule la télémédecine s'avérait économiquement rentable. On devine ainsi que ces deux types de développements architecturaux et urbanistiques restent limités dans leurs développements potentiels. D'abord, les villages électroniques idylliques resteront vraisemblablement réservés à une certaine élite économique, dont aucune étude de marché sérieuse n'a démontré la demande pour pareil produit. Ensuite, si on voit bien, aujourd'hui qui pourrait s'acheter une habitation câblée au top niveau dans un habitat groupé à Las Palmas, on imagine mal cette catégorie de personnes résider véritablement là 365 jours par an. Autrement dit, ces villages seraient quasi déserts 365 jours par an.
Faute de marché, aucun commerçant ne va s'y installer, aucun restaurant ne va s'ouvrir, il n'y aura rien de la vie sociale d'un "village". Les rares résidents temporaires prendront leur voiture pour aller faire leurs achats, et bien d'autres choses, en ville. Ils vivront dans des mondes symboliques radicalement différents, ils ne parleront pas la même langue. On voit mal alors comment ces lieux pourraient se forger une identité de "village". "Si ce n'est pendant les vacances", rétorquent les promoteurs de ce genre d'opérations romantiques, inquiets quant à la vente de leur produit.
Alors, ces lieux n'auraient de viabilité économique que sous une forme particulière de "village de vacance". Pourquoi pas dans le style des Club Med. ? On aurait Papa (ou/et Maman) qui travaille(nt) la journée sur un terminal, faisant quelques petites pauses pour aller à la plage qui est à deux pas, ou tirer quelques flèches au stand de tir à l'arc, pendant que le reste de la famille fait du sport ou les activités que les G.O. voudront bien leur organiser.
C'est bien dans ce sens que travaille, en étroite collaboration avec la mairie de Vienne, le sociologue autrichien Franz Naharada. Pour lui, les technologies de l'information et de la communication peuvent trouver des applications en ville, et pour la ville. C'est que nous sommes des "animaux urbains", avec un goût particulier pour la diversité sociale et culturelle qu'elle offre ; nous avons appris à aimer les hasards des rencontres dans le grouillement de la cité, dans la foule, dans l'anonymat aussi : même si on aime la nature, on n'a pas envie d'aller s'y enterrer. Aussi, il va dans l'intérêt d'un maire d'une grande ville comme Vienne de renforcer sa centralité en développant, dans la ville et dans sa périphérie, des "télécentres".
Les "télécentres" sont, comme les villages électroniques, des espaces construits pour permettre le travail dans le cyberespace. Mais contrairement aux seconds, ce sont des éléments urbains qui ont la potentialité de réduire les mouvements pendulaires en facilitant le travail à distance, et de stimuler la "vie de quartier" en permettant au télétravailleur de rester physiquement proche de son domicile, de l'école de ses enfants, de ses voisins. Plusieurs types de "télécentres" sont possibles, allant du plus "privé" au plus "public".
Un usage "privé" de ce genre de potentialité permet à des grandes entreprises de se décentraliser à l'intérieur des grandes villes, évitant ainsi à de nombreux employés les aléas des déplacements quotidiens et réguliers en ville. Des expériences faites à Los Angeles tendent à montrer qu'une entreprise peut ainsi obtenir un gain de 15% de ses bénéfices avec, en plus, une augmentation de la satisfaction au travail de leurs telecomuters (9). A Genève, par exemple, on aurait pu imaginer d'installer Reuters de cette façon décentralisée en mettant en réseau certains des nombreux espaces commerciaux vides et improductifs en ville, plutôt que de construire un grand espace centralisé, à la campagne, et de surcroît sur la rive gauche (10).
Un usage plus "public" consisterait à développer des "télécentres de quartier", où les habitants pourraient se voir attribuer par leur entreprise mère, ou louer à titre privé, un espace câblé (11). On aurait alors un espace de travail semi-public, où les résidents du quartier viendraient (à pied, à vélo) pour effectuer leur travail. L'identité de ces espaces de travail ne serait plus basée sur la dynamique économique et culturelle des divers et multiples employeurs des télétravailleurs (on aurait un mélange social multiprofessionnel et pluristatutaire), mais sur des relations de voisinage, sur des relations socio-spatiales, locales. Les liens sociaux relatifs au monde du travail lui-même continueraient à se vivre principalement sur l'écran du cyberespace (12).
Le processus de "glocalisation"
Comme on le voit, il est vraisemblable que, paradoxalement, les premiers effets à long terme de la globalisation des systèmes d'information se manifestent par un renforcement des réseaux sociaux et urbains locaux. Et par un renforcement des disparités locales, comme le suggère, entre autres, Alain Touraine. On peut déjà "voir" cet effet en analysant les interactions des ordinateurs entre eux grâce à la machine de traçage de l'EPFL (13): celle-ci enregistre en moyenne 70 000 connexions par jour, mais le nombre de connexions établies entre des ordinateurs sur le site de l'Ecole est dix fois supérieur. Cela veut dire que les "cybernautes" de l'EPFL "communiquent" dix fois plus avec leurs collègues de la maison qu'avec le reste du monde. Je suis naturellement plus porté à envoyer des E-mail à mes collègues de travail suisses et européens qu'au spécialiste en bonsaï qui habite en Australie (ce qui n'empêche pas que si l'un de mes collègues de travail se déplace en Australie ou ailleurs, pour une année sabbatique par exemple, je resterais en contact E-mail, comme s'il était dans le bureau d'à côté). D'autres études empiriques sur l'usage d'Internet commencent à mettre en lumière ce phénomène (14).
Le telecomuting, avec tous les développements urbanistiques que nous venons d'évoquer, prend essentiellement son sens dans une réalité locale, urbaine, et régionale. D'où le terme de "glocalisation" qui suggère un nouveau processus de développement urbain par lequel la ville se décharge de sa fonction de production, d'échange et de traitement de l'information en la déplaçant dans le cyberespace, tout en développant, conséquemment, de nouvelles formes d'organisations socio-spatiales au niveau local et international.
Contrairement à ce que l'on craint, la globalisation des échanges informationnels ne va pas nécessairement uniformiser la culture, comme le rappelle justement Alain Touraine (15). L'anglais va sans doute devenir une langue véhiculaire, comme il l'a été et l'est toujours pour l'Inde, ou comme le latin le fut pour l'Europe du Moyen âge, mais cela ne signifie pas la disparition brutale des cultures locales et régionales. Celles-ci n'ont, de toute manière, jamais cessé de se transformer et elles continueront à le faire. Internet a cependant permis à de nombreuses familles (notamment pluri-ethniques) d'ex-Yougoslavie de rester en contact malgré la guerre et la politique ; sur les newsgroups, on trouve déjà plus de 110 forums consacrés à des échanges entre individus de cultures différentes (16). Les Uruguayens de partout dans le monde et en Uruguay peuvent s'informer mutuellement de leurs intérêts communs. Face à la richesse d'un média qui permet à (virtuellement) tous de communiquer avec (virtuellement) tous, on voit mal comment il ne permettrait pas aussi, et surtout, de renforcer des réseaux territoriaux locaux et d'en créer de nouveaux, même en franchissant des frontières nationales. Par exemple, la région du Lac de Constance tente actuellement une expérience qui vise, grâce à Internet, à mettre en rapport les habitants des rives du Lac, qui jusque-là communiquaient difficilement en raison de la frontière entre la Suisse et l'Allemagne.
Si, face à cette globalisation, le local garde toute son importance, c'est parce que le corps est une frontière pour l'espace virtuel des technologies de l'information. Le prix d'entrée dans le cyberespace, c'est l'abandon du corps. L'espace virtuel est le royaume de l'esprit par excellence, et de lui seul. Malgré tous les efforts de développement de la "réalité virtuelle" en infographie pour réduire ce coût d'entrée par une simulation toujours plus fine du réel, le corps de l'utilisateur ne pénétrera jamais dans l'écran. Il restera toujours les pieds sur terre, les mains dans des "gants de données", la tête prise dans un casque stéréoscopique, et le reste du corps enveloppé dans la "peau intelligente" qui, demain, nous permettra de transmettre et recevoir des sensations corporelles à distance. Il est évident qu'un steak virtuel, ne satisfera jamais la faim que je pourrais en avoir, et que "l'amour virtuel" ne me procurera jamais les satisfactions d'une véritable relation sexuelle. Qu'on le veuille ou non, on ne pourra jamais faxer des spermatozoïdes, et la fonction de reproduction humaine ne s'accomplira jamais dans la ville virtuelle. Aussi, sophistiquées puissent être les illusions programmées, elles ne le seront que pour l'esprit. Le corps, lui, restera sur terre. Avec des besoins très "locaux" : manger, s'abriter des intempéries, dormir, s'associer, se reproduire, etc.
Plus que jamais, il en ressort que le local est et reste l'essentiel de la condition humaine. Il faut être dans le local pour s'assurer les ressources nécessaires à l'économie de subsistance, pour naviguer dans le cyberespace, pour rencontrer de vraies personnes, pour sentir l'odeur d'une vraie femme. Mais le cyberespace ne peut être considéré non plus uniquement comme un espace de rêves éveillés dans des réalités construites, parce qu'il est opérant. Il agit sur les circuits économiques, il agit sur les consciences, il agit sur l'organisation urbaine ; il permet par exemple, par le principe général de la téléaction, à un chirurgien à Boston de piloter un robot pour opérer un patient à Lausanne. La virtualité n'est peut-être qu'un ajout construit, une méga-superstructure, faisant intégralement partie de l'environnement construit, mais le nouvel espace public global qu'il instaure, ne saurait rester sans effet sur l'usage et l'aménagement du territoire.
Les réalités du virtuel nous placent devant un superbe paradoxe : plus notre capacité d'extériorisation (17) est grande, et plus nous sommes à même de prendre conscience de notre réalité première, celle d'être des êtres biologiques faits de chair et de sang, soumis aux lois de la gravité terrestre. Pour assouvir nos besoins élémentaires, on ne peut oublier qu'on a nécessairement les pieds sur terre. Et cette terre, c'est la région qu'on aménage en fonction du corps, pour ses besoins de déplacements, d'habitat, de nutrition, d'association et de plaisirs. Avec les développements des NTIC, ce renforcement du local ne sera plus forcément orienté, comme traditionnellement, vers la concentration sur le territoire d'unités métropolitaines fortes et s'opposant les unes aux autres. Ces nouvelles technologies sont en mesure d'infléchir la courbe de l'urbanisation croissante, parce que, depuis qu'on a commencé à faire usage de l'électricité pour traiter les informations, les avantages économiques de la centralisation se sont évanouis. D'une logique de progression linéaire et centralisante, il semble que nous soyons en train de passer à une logique de décentralisation progressive (parce que les coûts d'infrastructures des grandes unités métropolitaines, ainsi que leurs coûts externes, seront moindres). Nous sommes donc peut-être aujourd'hui en train d'entrer dans une phase de l'histoire de la civilisation où l'idéal régionaliste de Denis de Rougemont ou celui du "small is beautifull" d'Ervin Shumacher va s'imposer, tout naturellement, comme une évidente nécessité de pure rationalité économique : la société d'archipel, pour reprendre l'image de Jean Viard (18). Le territoire urbain de demain sera alors plus caractérisé par une "réseaupolisation" du monde, sans centres ni périphéries, le centre étant partout, et la périphérie aussi.
Questions pour conclure
Bien que je n'aie pas parlé ici des "arcologies", on pourrait reprocher à cet article son côté "utopiste" ou ses accents de science fiction. Mais on sait bien que la fiction précède toujours la réalité, et qu'elle ne peut, à l'instar du processus projectif, se fonder que sur une réalité bien présente pour que la projection soit crédible. La sociologie doit se donner les moyens, aujourd'hui de "monitorer" ces développements induits par les NTIC, et de mener des recherches sur ses usages sociaux, qui elles seules peuvent vérifier des hypothèses telles que celle développée dans cet article.
A la question que pose Jacques Neyrinck de savoir "si les autoroutes de l'information vont déboucher sur un terrain vague", j'ajouterai celle qui demande si elles ne vont pas déboucher, aussi, sur de gigantesques bidonvilles. En effet, avec les avantages économiques de la délocalisation à un niveau mondial, les pessimistes craignent de voir les centres urbains traditionnels se vider totalement de leur fonction de production de biens, celle-ci s'avérant meilleur marché dans des pays où la main-d'oeuvre coûte moins cher. Autrement dit, le chômage risque de prendre des proportions et un coût externe tels qu'on est en droit de se demander s'il y aura encore assez de gens dans nos villes pouvant se payer le luxe de circuler sur les autoroutes de l'information, même si celles-ci deviennent gratuites.
A côté de cette "utopie négative" des technologies de l'information, celle, "positive", de la société de communication esquissée par Norbert Wiener, repose la question de l'identité territoriale et sociale : de nouvelles identités naissent, polyspatialisées et prenant leur source dans des origines de plus en plus diverses. Une telle diversité des "horizons mentaux" concentrés en un point du territoire questionne indéniablement la légitimité du lien social et du lien territorial, ainsi que celle des frontières de la souveraineté territoriale. Alain Touraine, lors de sa conférence d'ouverture du Congrès suisse des sciences humaines (19), ne disait-il pas "que les sociétés étaient aujourd'hui avant tout engagées dans un processus de déconstruction", et que, "si les sociologues voulaient comprendre quelque chose au monde qui vient, ils devaient se débarrasser du concept de société" ?

Notes

  1. La création de l'ordinateur, ou du calculateur d'architecture Von Neuman.
  2. Cf. La distinction que Nicholas Negroponte fait entre le monde des atomes et celui des bytes (in: L'homme numérique, Paris, Laffont, 1995.
  3. Voir sur ce thème: Jack Goody, La raison graphique.
  4. Les problèmes rencontrés par le Bureau du recensement américain dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle sont à l'origine du développement de la mécanographie qui a généralisé l'usage de la carte perforée comme support d'information.
  5. Je pense surtout aux rapports parents-enfants.
  6. Bruce Sterling, in http://riceinfo.rice.edu/projects/RDA/VC/Sterling_VirtualCity.
  7. I.e.: "Glocalisation".
  8. Ce qui ne veut pas dire qu'elles soient sans importance sur l'échange des biens matériels (des atomes). Bien au contraire : la gestion dite du just in time est une manifestation directe des effets des NTIC. Une autre en est la création sur le WWW de "galeries marchandes virtuelles".
  9. D'autres expériences similaires, menées dans les pays scandinaves, montreraient que ce genre d'opérations ne fait cependant pas diminuer l'usage de la voiture, en terme de kilométrage ; la seule différence observée est une variation dans la chronicité de ces déplacements, apportant ainsi un avantage certain quant à la fluidité du trafic aux heures de pointes, mais aucun quant à la réduction de la pollution engendrée par les voitures.
  10. Les organisations internationales et l'aéroport sont sur la rive droite...
  11. La RATP est en train de mettre sur pied ce concept dans la périphérie parisienne. Pas seulement pour rentabiliser son propre réseau de fibres optiques (déjà opérationnel), mais aussi pour tenter de réduire le volume des flux pendulaires.
  12. Pour l'instant, on a encore de la peine à imaginer des rapports professionnels entièrement situés dans le cyberespace. Des réunions "IRL" (In Real Life) sont toujours organisées par les entreprises "virtuelles"... pour des questions manifestes de pouvoir.
  13. C'est un ordinateur qui enregistre toutes les connexions établies entre les machines de l'EPFL et celles dans le reste du monde.
  14. Voir par exemple les études (pas encore publiées) de Michel Grossetti, du GRESOC de l'Université de Toulouse-le-Mirail.
  15. Alain Touraine, "Non, le monde ne s'unifie pas, il se diversifie", Le Nouveau Quotidien, 16 août 1995.
  16. Soc.culture.*
  17. André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, Paris, Albin Michel, T1 et T2, 1964 et 1965.
  18. Jean Viard, La société d'archipel. Ou les territoires du village global, Les Editions de l'Aube, 1994.
  19. "Sociétés en constructions", Berne, octobre 1995.

Bibliographie