La fracture numérique est aussi et peut-être avant tout un phénomène transversal au monde contemporain. Au-delà des disparités géographiques, aussi bien entre pays riches et pays pauvres, entre zones plus ou moins dotées en infrastructures, la fracture numérique concerne ici la capacité des citoyens à s’emparer des techniques numériques et à se les approprier dans le contexte social réel qui est le leur.
Il y a là une véritable dialectique entre deux aspects de contextualisation des individus, celui lié à leur culture technique et celui relatif au lien social.
Gérard Vendramin et Patricia Valenduc s’interrogent sur la durabilité de la fracture en opposant deux visions alternatives.
La première considère la question sous l’angle d’un phénomène de diffusion qui ne pourrait atteindre que progressivement l’ensemble de la population.
A contrario, la seconde renvoie à la consolidation d’une nouvelle forme d’exclusion qui viendrait au contraire renforcer les inégalités sociales et approfondir le fossé entre nantis et laissés-pour-compte des technologies numériques.
Ainsi, Alain Rallet et Fabrice Lequeux introduisent une opposition entre population technophile et population non technophile et montrent que le modèle même de l’Internet est fortement excluant, du fait de la dynamique soutenue d’innovation dont il est l’objet et tend donc à pérenniser ce type de discrimination. Les auteurs s’interrogent alors sur l’ambiguïté d’un modèle de gratuité d’accès aux services, qui favoriserait paradoxalement la partie de la population technophile la mieux armée pour tirer parti des ressources accessibles sur la toile.
Par-delà l’opposition entre deux visions optimistes ou pessimistes d’Internet, Olivier Glassey et Barbara Pfister-Giauque étudient la relation entre lien social et usage des TIC. Eux aussi montrent l’importance que prennent ici les questions d’appropriation, mais insistent sur la nécessité d’en dépasser la seule dimension technique pour prendre en compte également et, parfois simultanément, celles de lien social et de territoire. Ce sont donc aussi les modalités de socialisation (et de territorialisation) qui conditionnent la capacité à faire usage des technologies numériques en matière de relations sociales.
Ces réflexions éclairent de manière intéressante la présentation de Mokrane Refaa qui concerne enfin le développement des cybercafés dans la région de Biskra en Algérie.
Les cybercafés constituent le moyen de connexion à Internet le plus utilisé du Maghreb. Cette contribution constitue une analyse des utilisateurs et de leurs motivations, ainsi que de la distribution spatiale des “Cfés” et des motivations et problèmes rencontrés par leurs propriétaires.