Stratégie
Avec ce nouveau dossier, Terminal aborde enfin le thème de la "Nouvelle Economie".
Comme la "globalisation", la "nouvelle économie" est un thème apparu dans les
médias d'affaires dans un contexte plus journalistique que stratégique. Mais
le flair des journalistes est parfois de cristalliser autour d'une expression forte un
phénomène émergent aux contours encore mal définis. Cela était
vrai pour la "globalisation", cela l'est sans doute aussi pour la "nouvelle économie", du
moins si l'on mesure l'importance du concept au volume de la littérature qui lui est
consacré ? Or au cœur de cette "nouvelle économie" sont les technologies de
l'information et de la communication parées pour la circonstance du même qualificatif
de "nouveauté": les NTIC.
Après avoir laissé passer l'effet de mode, Terminal ne pouvait ignorer plus longtemps
le thème et, mythe ou réalité, se devait d'ouvrir le débat. C'est ce que
nous faisons avec ces deux premiers articles qui ne devraient sans doute pas rester isolés.
Alors, au delà du discours ambiant, peut-on parler d'une nouvelle économie, au sens
d'un nouveau modèle de croissance qui serait fondé cette fois sur l'information,
ère annoncée depuis près de vingt ans, à travers l'avènement
d'une "révolution de l'intelligence" ou l'émergence d'un "société
de l'information"? Y a-t-il véritablement une inflexion importante dans l'évolution
de la productivité et quelle est la nature de la mutation en cours sur le plan de l'emploi,
de l'organisation et des conditions du travail, des modalités de l'échange, du rythme
de l'innovation? Peut-être serait-il plus juste de moins focaliser l'analyse sur le rôle
des NTIC et d'élargir le champ de l'analyse à celui d'une économie fondée
sur la connaissance?
Le premier article, de Alain Herscovici, Professeur d'économie à l'Université
Fédérale de Espirito Santo au Brésil centre son analyse sur le concept de
société de l'information et la nature des transformation du modèle économique
qui en découlent, notamment en termes d'économie des réseaux. Sur le plan empirique,
il pose la question de la validation de l'impact des NTIC sur la croissance et la productivité,
problème connu sous l'expression de "paradoxe de Solow". Il conclut à l'encontre d'une
supposée modification en profondeur de la nature de l'accumulation capitaliste et des effets
sociaux qui lui sont liés et donc dans le sens d'une nouvelle phase historique du développement
capitaliste.
Dans un deuxième article Dominique Desbois, Ingénieur d'Etudes à l'INRA et membre du
Comité de Rédaction de Terminal, pose précisément la question de la
caractérisation de la nouvelle phase de croissance forte, non inflationniste, amorcée
aux Etats-Unis et qui semble timidement s'étendre à l'Europe et au reste du monde. Dans
quelle mesure l'analyse des gains de productivité peut-elle permettre de confirmer la thèse
qui attribue cette expansion à l'émergence de la "nouvelle économie"? Dans quelle mesure
une telle évolution, qui renforce le caractère capitalistique de l'économie, ne
risque-t-elle pas de déboucher sur un conflit relatif au partage de la plus-value et un accroissement
de la fracture sociale ainsi qu'avec les pays de moindre développement?
Jean-Benoît Zimmermann