Multimédia : à propos de la vidéosurveillance
Big Brother vous regarde. En 1984, tout le monde était observé nuit et
jour à partir des "télé-écrans". En 2001, les "little brother" peuplent
notre espace public, la rue, les magasins, nos parkings, mais également les
entrées d'immeubles de caméras de vidéosurveillance. D'autres rêvent de
vivre dans la transparence totale en permanence sous l'oeil des
internautes
de la planète par "webcam" interposée. Mais à la différence du roman
d'Orwell, ce n'est pas pour imposer la dictature du parti-Etat que cette
surveillance généralisée voit le jour. C'est à notre demande, ou du moins
avec le consentement tacite de la majorité d'entre nous que ces réseaux
se mettent en place en réponse à la montée de l'insécurité, de la peur des
agressions, des attaques dans les lieux publics, à la multiplication des vols
et des incivilités dans la vie quotidienne. A des problèmes réels cette
débauche de technologie, favorisée par la baisse des coûts du matériel,
apporte-t-elle réellement une solution ou du moins constate-t-on une
baisse des actes délictueux dans les zones surveillées? Personne ne peut
le dire vraiment.
Comme le remarque André Vitalis, l'efficacité n'est pas toujours au
rendez-vous et "on peut se demander si la techno-sécurité ne fait pas que
déplacer la délinquance". Elle peut en outre être utilisée à des fins
multiples comme surveiller le personnel dans un grand magasin ou
étudier le comportement des clients dans les rayons. L'analyse
automatique des images prises par des moyens logiciels peuvent conduire
à des interprétations erronées et à des erreurs graves. La surveillance
des lieux publics dans les villes est une restriction à la liberté de circuler
et à terme une menace pour les libertés que ne justifierait pas le besoin
de sécurité de nos concitoyens. Le législateur l'a bien compris qui a essayé
de limiter le recours à de tels dispositifs et de rendre leur utilisation
compatible avec les libertés fondamentales.
Comme le remarque David Forest, la loi du 21 janvier 1995 prise à
l'initiative de Charles Pasqua comble certes un vide juridique. La logique
institutionnelle aurait voulu que la CNIL, autorité indépendante, soit la
garante des libertés dans ce dispositif comme elle l'est pour les risques
liés au fichage.
Mais l'objectif avoué du gouvernement était d'écarter la C.N.I.L. Il le fit
au profit du pouvoir du préfet assisté par une commission
départementale. David Forest fait un premier bilan de l'activité de ces
commissions et conclut que la loi de 95 se révèle mal adaptée à la réalité
de la vidéosurveillance et présente de graves lacunes pour la défense des
libertés publiques.
Avec une loi finalement peu contraignante, la vidéosurveillance devient la
solution de facilité pour des élus locaux interpellés sur les questions de
sécurité par leurs administrés ou des responsables d'espaces publics. La
défense des libertés n'étant guère prise en charge par la loi, il reste la
mobilisation des citoyens dont une association comme "Souriez, vous êtes
filmés" donne l'exemple pour mettre les garde-fous nécessaires face à une
logique sécuritaire qui s'emballe.