VIDEOSURVEILLANCE, SECURITE ET LIBERTES [1]
Andr�
VITALIS [2]
L'habitant des grandes villes occidentales est
d�ormais suivi chaque jour par des centaines d'yeux �ectroniques. On a
calcul�qu'un londonien moyen, dans une journ� moyenne, est film�au moins
trois cent fois par une trentaine de r�eaux vid� diff�ents. Cette
prolif�ation des cam�as de vid�surveillance avec les moniteurs de
visualisation qui leur sont associ�s, bien plus que la multiplication des
fichiers informatiques dans les ann�s 70, semble nous introduire dans un
univers orwellien o les t��rans permettent d'�ier les moindres faits et
gestes.
Nous ne sommes plus en 1984 et encore moins dans le
monde du contr�e centralis�et tyrannique de "1984". Ce n'est plus
Big Brother qui nous observe mais une multitude de surveillants. Le progr� continu
des techniques a �argi consid�ablement le cercle de la surveillance avec la
diversification des syst�es et la miniaturisation des appareils. La
multiplication des webcams sur Internet, ces cam�as qui filment sans
interruption, peut transformer tout internaute en agent de s�urit�d'un
parking souterrain ou d'un centre commercial situ��l'autre bout de la
plan�e. Par ailleurs, la vid�surveillance est davantage v�ue par le plus
grand nombre, comme un service rendu que comme une contrainte insupportable ou
une pratique oppressive. Suite au d�eloppement de la d�inquance et des
incivilit�, elle apporte une r�onse �un sentiment d'ins�urit�de plus en
plus r�andu.
La grande l�itimit�dont elle b��icie, n'est
pourtant pas de nature ��arter les dangers de la technos�urit� Traitant une
information potentiellement nominative, elle met en cause la libert�d'aller et
venir dans un espace public, sans �re identifi�et suivi en permanence. Sa
finalit�s�uritaire peut toujours �re d�ourn� pour atteindre des objectifs
moins avouables. Il est naturel dans ces conditions, comme le font la directive
europ�nne du 24 octobre 1995 et des lois nationales, de subordonner son
utilisation au respect d'un certain nombre de principes protecteurs des libert�
individuelles. Pour trouver un point d'�uilibre entre le souci de la s�urit�
et celui de la pr�ervation des secrets et de l'autonomie des personnes, il
convient de prendre la mesure des diff�entes formes de vid�surveillance et
des caract�istiques propres de la donn� personnelle que constitue l'image.
La multiplication et la banalisation des yeux
�ectroniques
Il a fallu trente ans pour que la vid�surveillance
s'impose comme une technique n�essaire et parfois indispensable. Au d�ut des
ann�s 70, les premiers syst�es ont ��install� pour apporter une aide �la
r�ulation du trafic routier aux points n�ralgiques des grandes agglom�ations
et pour lutter efficacement contre les agressions et les vols dans les banques
et les commerces de luxe. La cam�a permet de d�ultiplier le regard et de
conna�re en temps r�l, depuis un poste d'observation, l'�at d'une zone et en
cas d'incident d'intervenir ou de conserver les images des ��ements qui se
sont produits. Tout au long des ann�s 80, afin d'am�iorer la protection des
personnes et des biens, les syst�es se sont multipli� dans les transports
collectifs, les commerces, les lieux de travail et de loisirs et aux abords des
b�iments publics. Un pas de plus vers la banalisation, a ��franchi, quand au
d�ut des ann�s 90, des cam�as ont ��install�s sur la voie publique et
dans les rues de certaines villes.
La vid�surveillance fait d�ormais partie de la
quotidiennet�urbaine comme le montre la pr�ence de cam�as dans des lieux
aussi divers qu'une gare, un grand magasin, une rue ou un parking. D�ormais
dans tous ces lieux, les moindres faits et gestes peuvent �re observ� �
distance sur un �ran de t��ision. Par le biais d'Internet, ces cam�as et
des milliers d'autres install�s dans des espaces priv�, permettent de tout
voir et de tout surveiller. 85 % des municipalit� du Royaume-uni se sont
�uip�s de r�eaux de vid�surveillance urbaine et en 1999, le ministre de
l'int�ieur britannique a promis de doter l'ensemble du pays de ces
�uipements, dans les autobus, les r�idences collectives priv�s, les gares et
les parkings publics. En France, il existerait selon les installateurs, un
million de syst�es et pr� de 150.000 installations sur les lieux publics avec
une progression de 25.000 �30.000 nouveaux syst�es par an. On �alue �pr�
de 100 % l'�uipement actuel des grandes surface, de 80 % dans les grandes
entreprises et les administrations publiques et de 10 % dans les h�els, les
h�itaux et les centres sportifs.
Le progr� des techniques et la baisse des prix
rendent chaque jour plus attractif l'achat de mat�iel. Les cam�as sont en
effet de plus en plus performantes : certaines parmi les plus rapides, peuvent
surveiller un champ de vision sur 360 ; d'autres voient la nuit ou sont
capables avec leur zoom, de lire un journal �plus de 100 m�res de distance.
Par ailleurs, le d�eloppement r�ent des proc�� num�iques a donn�naissance
�des syst�es "intelligents" qui associent l'image film� �des
logiciels capables de d�ecter les signes d'anormalit�dans le champ d'une
cam�a : ouverture d'une porte, fum� suspecte, mouvement brusque... Ainsi,
dans certains grands magasins, gr�e aux cam�as install�s, un logiciel �alue
le temps pass�par les clients dans les rayons afin de d�erminer quart d'heure
par quart d'heure, le nombre de caisse �ouvrir.
Le souci de prot�er les personnes et les biens
explique la multiplication des syst�es qui appara� �alement comme une
r�onse �l'aspiration collective au renforcement de la s�urit� Dans les
ann�s 80, on a assist��une explosion de la violence urbaine avec une forte
augmentation des vols et des cambriolages et une progression continue des actes
d'incivisme (d�radations, inscriptions sur les murs, agressivit�des
comportements...). En France, les d�its recens� par la police sont en moyenne
4 fois plus nombreux dans les ann�s 90 que dans les ann�s 60 et pr� de 3
fois plus nombreux dans les ann�s 90 qu'au d�ut des ann�s 80. On constate
parall�ement, un d�icit d'efficacit�des r�onses institutionnelles
classiques. Les statistiques polici�es font appara�re que le taux
d'�ucidation n'a cess�de diminuer. Alors que la police parvenait �r�oudre
la moiti�des affaires de vol en 1950, ce chiffre n'est plus que de 12,5 % en
1993. Devant cette carence de la police traditionnelle et pour r�ondre au
sentiment d'ins�urit�qui se d�eloppe, il convenait d'envisager d'autres
solutions. C'est cette recherche de solutions nouvelles qui explique le recours
de plus en plus fr�uent �des services priv� ou municipaux de s�urit�et
l'implantation de technologies comme la vid�surveillance, m�e si la carte
d'implantation de ces derniers dispositifs ne correspond pas �celle de la
d�inquance mais plut� �celle de la richesse marchande et productive.
Le sentiment d'ins�urit�explique que la grande
majorit�de la population accepte bien volontiers ces nouvelles technologies
per�es comme un moyen de s�urisation et de lutte contre la d�inquance. En
Grande-Bretagne, un sondage r��e que 95 % de la population sont favorables �
la t��urveillance et ne la
consid�e pas comme une intrusion dans la vie priv�
mais comme une "protection plus sre". Un sondage r�lis�en 1996
aupr� d'un �hantillon de 1.000 personnes repr�entatives de la population
fran�ise, montre cependant que l'acceptabilit�sociale varie selon les
applications. Si seulement, 9 % des personnes consid�ent la pr�ence de
cam�as de surveillance dans les parkings et les magasins comme une atteinte grave
�la vie priv�, ce pourcentage augmente sensiblement en ce qui concerne la
pr�ence de cam�as dans les centres-villes. 51 % des personnes estiment comme
une atteinte grave, la diffusion �leur insu d'une image prise dans un lieu
public.
Si la demande de technos�urit�est bien r�lle,
l'offre est peut �re plus d�erminante encore pour expliquer la multiplication
des syst�es. Avec la diversification des techniques et leur miniaturisation,
des concepteurs estiment qu'une logique de l'offre pr�aut aujourd'hui dans le
domaine. "La technique a cr� les besoins" estiment-ils. Avec des
produits plus simples et moins chers, le march�de la vid�surveillance touche
progressivement un nombre toujours croissant d'utilisateurs, pour le plus grand
profit des entreprises priv�s de s�urit� Parfois, la vid�surveillance
appara� comme un produit d�iv�du c�le et des villes c�l�s trouvent l�une
occasion de rentabiliser leur r�eau. Dans l'habitat collectif, la
technos�urit�est pr�ent� comme un nouveau service et constitue un argument
commercial. Pour d�elopper le grand march�du logement locatif, des
entreprises du b�iment avec des soci�� de services proposent des syst�es
qui permettent �tous les habitants de surveiller les entr�s et sorties d'immeubles.
On ne doit pas �alement sous-estimer les b��ices �ectoraux que certains
�us locaux attendent de l'investissement dans la technos�urit� Ainsi
certaines villes se sont engag�s �la l��e dans la vid�surveillance sans
avoir au pr�lable proc���une �aluation des besoins.
Une
technos�urit�dans certains cas inopportune
La mise en cause de la vid�surveillance peut �re
faite au nom de son efficacit�comme outil s�uritaire et plus
fondamentalement, au nom de la protection des libert� de l'individu.
De nombreux exemples montrent l'importante
contribution de la vid� �l'am�ioration de la s�urit� C'est une cam�a de
surveillance qui a permis en 1993, d'arr�er �Liverpool deux gamins coupables
d'assassinat. Ainsi, dans les agences de banque �uip�s de cam�as, 50 % des
voleurs sont identifi� et arr�� dans les deux ans qui suivent ; ainsi dans
le m�ro parisien, 83 % des incidents sont d�ect� gr�e �la vid� et le
nombre des interpellations a augment�de 36 % ; ainsi, tel responsable de grand
magasin constate que gr�e �cette technique, la d�arque inconnue a chut�des
deux tiers. Dans une commune anglaise de 10.000 habitants, o six cam�as
surveillent le centre ville, le nombre de d�its est pass�de 137 en 1991 �37
en 1992.
M�e si de tels exemples abondent, l'efficacit�
n'est pourtant pas toujours au rendez-vous. Certaines applications se r��ent
d�evantes compte tenu d'une analyse insuffisante des buts poursuivis et de
l'inadaptation du mat�iel. Malgr�le nombre de cam�as implant�s, la vid�
dans le m�ro parisien n'a ��d'aucun secours dans la lutte contre le
terrorisme. Une des villes les plus vid�surveill�s de France,
Levallois-Perret dans la r�ion parisienne, dont les rues sont surveill�s par
86 cam�as, conna� une progression de la d�inquance avec des d�radations sur
les v�icules et des vols en forte augmentation. On rel�e aux Etats-Unis
plusieurs exp�iences malheureuses de vid�surveillance dans les rues des
grandes villes. Faute de suspects appr�end�, les dispositifs mis en place
dans des villes comme Atlantic City ou Miami, ont ��abandonn�. Il est vrai
que la vid� ne repr�ente que le premier volet d'une cha�e de travail qui en
comporte trois, �savoir : le signalement, le diagnostic et l'intervention. Le
signalement consiste �identifier dans les plus brefs d�ais les incidents sur
le terrain. Mais cette identification n'est utile que si elle est relay� par
un groupe d'intervention. Or cette liaison n'est pas toujours convenablement
�ablie : l'image en temps r�l d'une agression est une chose ; une autre,
l'intervention sur le terrain pour arr�er l'agresseur. Le regard surveillant
est directement li��l'��ement mais c'est un regard �distance, impuissant
face �l'anomalie, avant que n'interviennent des vigiles.
M�e dans les cas, o elle se r��e efficace, on
peut se demander si la techno-s�urit�ne fait pas que d�lacer la d�inquance,
les malfaiteurs poursuivant leurs activit� hors du champ des cam�as. Les
installations s�urisent en surface mais renvoient la d�inquance en sous-sol.
Par exemple, le nombre de d�its dans les parkings souterrains seraient plus
nombreux que par le pass� Le taux de criminalit�dans les Alpes maritimes est
trois fois sup�ieur �celui de Monaco, ville pourtant contigu��ce
d�artement mais qui est quadrill� par de nombreuses cam�as munies de zoom.
Les �arts se creusant, il existe une risque de dualisation du territoire,
partag�entre des lieux de s�urit�maximale gr�e aux moyens technologiques d�loy�
et des endroits d'ins�urit�probable laiss� �l'abandon. On peut �cet �ard,
�re justement pr�ccup�par le ph�om�e des "villes fortifi�s" o
vigiles et cam�as �ectroniques, ne laissent entrer et sortir que les seuls
habitants jug� l�itimes. Aux Etats Unis, 8 millions de personnes r�arties
dans 20.000 communaut� vivent aujourd'hui dans de tels espaces prot��. Dans
les pays du Sud, les plus riches ont trouv�l�un moyen de se prot�er de la
pauvret�environnante. Cependant, si les technologies peuvent apporter une
r�onse locale aux probl�es d'ins�urit� elles sont sans effet sur les causes
profondes de ce ph�om�e qui concerne en premier lieu, le lien social et
politique.
M�e si elle sait rester discr�e, la
vid�surveillance a suscit�d� l'origine une certaine m�iance. En 1980, un
d�ut�fran�is dans une question �rite, attirait l'attention du ministre de
la justice sur les atteintes �la vie priv� que constituait selon lui,
l'utilisation d'appareils de prise de vue aux guichets des banques et aux
caisses des grandes surfaces commerciales. Il a fallu attendre la prolif�ation
des yeux �ectroniques �la fin des ann�s 80 pour que se manifestent
v�itablement des inqui�udes et que la question de la pertinence du recours �
de tels syst�es, soit pos�. Ainsi, on peut estimer que le souci s�uritaire
qui se traduit par l'installation de cam�as sur la voie publique et dans le
centre des villes, fait peu de cas d'une libert�pourtant essentielle des
habitants : celle d'aller et venir et de pouvoir marcher librement dans un
espace public sans �re observ� M�e si l'installation de syst�es dans les
villes conna� un succ� croissant, des contestations apparaissent. Des
collectifs de citoyens r�lament le d�ant�ement des installations existantes
ou l'abandon des projets.
Parfois, consult� par la municipalit� ce sont des
�ecteurs d'une petite ville, qui expriment tr� majoritairement leur refus de
voir quadriller par des cam�as leur espace communal. En ayant recours au
principe de proportionnalit� le juge administratif fran�is a annul�en 1990,
la d�ib�ation d'un conseil municipal approuvant la cr�tion d'un syst�e de
vid�surveillance destin��visualiser l'ensemble du territoire d'une ville et
en cas de besoin de conserver les images. Le juge a estim�que : l'installation
g��alis� et le fonctionnement permanent des cam�as portaient une atteinte
excessive aux libert� individuelles et notamment au droit �la vie priv� et �
l'image qui n'est justifi� ni par une habilitation judiciaire, ni par les
n�essit� de l'ordre public ou la constatation ponctuelle d'infractions au
code de la route ou d'atteinte aux biens ou aux personnes". Est ici
clairement affirm�un principe de proportionnalit�fondamental qui entend fixer
un point d'�uilibre entre le souci s�uritaire et la pr�ervation des libert�
de l'individu. Les libert� �ant de droit dans une d�ocratie, les atteintes �
ces libert� que constitue la prise d'images, doivent �re proportionnelles au
but poursuivi. Si les atteintes se justifient dans certains lieux d'ins�urit�
elles ne se justifient pas dans tous les cas. Dans un coll�e technique en
Belgique, on a traqu�les fumeurs jusque dans les toilettes, en y disposant des
cam�as pour mieux les confondre. Dans des hypermarch�, on surveille les
cabines d'essayage �partir de cam�as cach�s afin de r�uire les vols du
rayon textile. On a pu �alement constater que des cam�as install�s sur la
voie publique ou autour d'un grand magasin pour surveiller les acc�, permettaient
de visualiser les images de l'int�ieur des immeubles d'habitation avoisinants.
Une fois install� un dispositif de
vid�surveillance constitue un �uipement durable dont la finalit�peut �re
d�ourn� vers des buts qui n'ont rien �voir avec la s�urit� Les cam�as
install�s sur la place Tienanmen �P�in auraient servi �identifier et �
arr�er plusieurs "contre-r�olutionnaires". Plusieurs exemples
montrent �alement que les images des r�eaux de vid�surveillance ont ��utilis�s
pour identifier des gr�istes. On peut �alement, comme en Angleterre, mettre
sur le march�une cassette vid� r�lis� avec des bouts de film c�� par la
police.
Les finalit� des installations peuvent �re
multiples et �oluer avec le temps d� lors que seront exploit�s les diverses
potentialit� de l'outil. On s'aper�it ainsi que les cam�as install�s dans
une grande surface commerciale pour surveiller la client�e afin d'intervenir
en cas de vol, vont �re utilis�s �alement pour surveiller le personnel m�e
si cette utilisation est rarement avou�. Un instrument de lutte contre la
d�arque inconnue peut au fur et �mesure, se convertir en outil de contr�e du
travail et de la productivit�comme le montrent les nombreuses affaires de
licenciement port�s devant les tribunaux o l'il �ectronique est utilis�
comme t�oin �charge. La formule du travail sous contrainte vid� a un bel
avenir devant elle. Selon plusieurs responsables d'entreprises de s�urit� la
surveillance des salari� (lutte contre le vol interne et l'absent�sme) et le
contr�e de la qualit�du travail, constituent aujourd'hui, apr� la protection
des biens, les principales motivations �oqu�s par leurs clients lors de
l'achat d'un �uipement.
La cam�a peut �alement servir �analyser le
comportement des consommateurs dans les diff�ents rayons d'un magasin. Elle
peut �re utilis� afin de faire des �udes pour mieux cibler les individus
face �tel ou tel comportement d'achat. L'analyse des moindres faits et gestes
est en effet tr� utile pour am�iorer le positionnement des produits et pour
conditionner le parcours d'achat le plus profitable. L'enregistrement des
acheteurs les plus importants permet de les identifier et par la suite
d'�ablir des profils de bons acheteurs. En sens inverse, l'enregistrement des
auteurs de vols peut toujours alimenter sous formes de photos, un fichier des
suspects ou des r�idivistes. Le progr� des techniques contribue �multiplier
les applications. Des recherches sont actuellement men�s pour mettre au point
des logiciels tr� perfectionn� dans le rep�age automatique du visage d'une
personne recherch�, sur des bandes vid� o ont ��enregistr�s des sc�es
avec plusieurs personnes.
Relation
disciplinaire et technologie de contr�e
Plusieurs enqu�es concernant de nombreux
dispositifs install� en France dans des lieux publics ou des espaces
marchands, sugg�ent une distinction entre deux formes tr� diff�entes de
vid�surveillance : une, de pr�ention, entend �ablir une relation qui incite
la personne �adopter le comportement requis ; l'autre de r�ression, o toute
la cha�e de s�urit�est fortement articul�, se contente d'intervenir en cas
de comportement ind�irable. Naturellement, entre ces deux types, existe toute
une gamme de formules mixtes.
La premi�e forme de vid�surveillance prolonge les
ancienne disciplines. Pendant plus de trois si�les, c'est par la ma�rise de
soi et l'autodiscipline qu'ont pu �re obtenues la pacification des moeurs et
la pr�isibilit�des comportements. Norbert Elias a montr�comment la formation
d'une soci��de cour au XVIIe et XVIIIe si�les, a �imin�les affrontements
violents et contribu���endre �l'ensemble de la soci�� de nouvelles normes
de comportements �base de contr�e de soi et d'auto-contrainte. Pour Michel
Foucault, dont l'analyse se situe dans le droit fil chronologique de la
pr��ente, ce sont les dispositifs panoptiques et disciplinaires qui ont
fabriqu� �partir de la fin du XVIIIe si�le, l'individu appropri� Ce dernier
a ��rendu docile et utile gr�e �l'enfermement dans des lieux clos (�ole,
caserne, usine, h�ital, prison) et �un marquage des corps. Enferm�
l'individu qui sait �re surveill�reprend �son compte les contraintes du
pouvoir et les fait jouer spontan�ent sur lui-m�e. L'effet majeur de
l'architecture panoptique imagin� par Bentham est d'induire chez la personne
enferm�, "un �at conscient et permanent de visibilit�qui assure le
fonctionnement automatique du pouvoir. Faire que la surveillance soit permanente
dans ses effets, m�e si elle est discontinue dans son action ; que la
perfection du pouvoir tende �rendre inutile l'actualit�de son exercice ; que
cet appareil architectural soit une machine �cr�r et �soutenir un rapport de
pouvoir ind�endant de celui qui l'exerce..." Inscrivant en lui ce rapport
de pouvoir, l'individu participe �son propre assujettissement.
Depuis les ann�s 50, les anciennes disciplines ont
perdu de leur efficacit�comme le montrent la multiplication des actes
d'incivisme et l'augmentation des vols et des cambriolages. Les milieux
d'enfermement sont vou� �une r�orme permanente. Avec la mobilit�croissante
des individus, le territoire est moins producteur de socialit�et de contr�e
qu'auparavant. La modernit�a donn�naissance �ce que l'anthropologue Marc
Aug�appelle des "non-lieux", comme les a�oports et les grands
centres commerciaux o ne s'expriment que des identit� partielles et anonymes.
C'est dans ce contexte, que la vid� tente de moderniser les dispositifs
panoptiques et les disciplines. La fonction g��ale d'�re vu sans jamais
voir, jusqu'alors r�erv� �des espaces ferm�, va �re appliqu� aux espaces
ouverts fr�uent� par des individus de plus en plus mobiles. La perspective
g�m�rique d'antan va c�er la place �la perspective �ectronique du temps
r�l, la cam�a permettant de surmonter les contraintes mat�ielles et
d'installer dans l'espace tous les panopticons souhait�. "Quand on se
sent surveill�par des cam�as, remarque Paul Virilio, m�e s'il n'y a personne
�la r�ie, on est conditionn�et il y a une sorte de commandement des
comportements. En m�e temps qu'elle dissuade les d�inquants, elle modifie les
comportements de tout le monde". L'important est que le vid�surveill�
sache qu'il fait l'objet d'une surveillance. C'est cette connaissance qui
�ablit la relation disciplinaire et am�e l'individu �adopter la conduite que
l'on attend de lui. L'efficacit�du sch�a panoptique provient de la relation
"�re vu sans jamais voir" mais surtout de la conscience de cette
relation. C'est pourquoi cette forme de technos�urit�est tr� apparente soit
dans ses dispositifs avec des cam�as facilement rep�ables, soit annonc� tr�
explicitement �l'aide d'une information du type "Souriez, vous �es film�".
Les moyens de riposte et la force d'intervention n'y sont pas essentiels. Le
grand changement par rapport aux anciennes architectures disciplinaires , est
le service rendu aux personnes surveill�s en termes de s�urit� Les objectifs
s�uritaires assurent aux nouveaux dispositifs une grande l�itimit�et les
fait accepter du plus grand nombre. Certaines formules permettent parfois de
faire jouer �l'individu le double r�e de surveill�et de surveillant. Des
syst�es install� dans des immeubles collectifs donnent la possibilit��tout
habitant de suivre sur son t��iseur, les all�s et venues des personnes se
trouvant dans les parties communes.
La deuxi�e forme de vid�surveillance introduit �
un nouveau type de contr�e. Alors que dans la discipline, l'individu participe
�sa propre normalisation par l'autocontrainte et la ma�rise de soi, dans le
techno-contr�e, il est d�harg�de ce travail gr�e aux informations que l'on
a pr�ev�s sur lui. La machine traite des informations et peut �alement
provoquer des actions �travers un m�anisme abstrait, d�ersonnalis�et
automatique et en grande partie invisible et incompr�ensible. Le contr�e se
symbolise plut� par la manipulation que par la coercition, par des ficelles
invisibles mani�s de loin. C'est �partir des informations pr�ev�s que sera
assur� la normalisation sociale par un traitement diff�entiel des situations.
A une relation de discipline qui fait appel �la participation du sujet
surveill� succ�e une situation o ce dernier est r�uit �n'�re qu'un objet
d'informations.
Une des caract�istiques fondamentales des
technologies de contr�e est leur invisibilit� Le recueil et le traitement
d'informations qu'elles effectuent pour aider �la prise de d�ision, sont fait
�l'insu des personnes concern�s. Cette ignorance conditionne leur efficacit�
L'automatisation des fichiers de personnes dans les ann�s 70, a permis de
r�liser de nombreux traitements connus des seuls ma�res des fichiers, comme
par exemple l'�ablissement de profils. L'utilisation croissante de cartes �
m�oire et de supports �ectroniques permet de collecter et de traiter, l�
encore dans des conditions tr� secr�es, une masse consid�able d'informations
nominatives. On observe une discr�ion de plus en plus grande dans la collecte
des traces laiss�s sur ces supports, gr�e �des proc�ures facilitant
l'automaticit�de l'enregistrement. Ainsi, avec la technologie dite "�
main libre", l'usager n'a plus besoin de pr�enter sa carte �m�oire : un
simple passage �proximit�du lecteur suffit. Certains logiciels permettent,
sans que l'utilisateur le sache, le transfert d'informations contenues dans son
disque dur vers le r�eau. De m�e, sur Internet, sans demander l'autorisation
et sans pr�enir, le serveur peut prendre note des moindres faits et gestes de
l'internaute. Les capteurs, notamment les cam�as vid� enrichissent cette
transparence, par un suivi de l'individu �partir de son image. Ici, le but
s�uritaire implique une prise de d�ision et une intervention tr� rapides.
Dans les syst�es les plus efficaces, les trois phases de la cha�e
signalement/d�ision/intervention sont parfaitement articul�. Les diff�ents
types d'interpellations sont pr�us avec pour chacune d'elles, les proc�ures �
suivre. Ces syst�es ont recours �un mat�iel tr� sophistiqu� Les cam�as ne
laissent aucun angle mort et surtout, sont difficilement rep�ables.
Des
images polys�iques et manipulables.
Le regard du surveillant qui op�e derri�e l'�ran
de contr�e s'int�esse moins aux personnes en elles-m�es que ce qui dans ces
personnes ou leur comportement laisse pr�oir un �art possible par rapport aux
normes en vigueur. Ce peut �re le fait d'�re v�u de mani�e extravagante ou
d'appartenir �telle minorit�ethnique ; ce peut �re le fait d'h�iter dans
l'achat d'un article dans un magasin ou de porter un casque de moto au bras
dans le cas d'une banque. On met au point actuellement des logiciels qui
analyseront et interpr�eront l'image pour pr�enir l'agent de s�urit�en cas
de comportement anormal. En l'absence de ces logiciels qui seraient
op�ationnels d� 2005, le suivi et le rep�age sont effectu� de mani�e
parfaitement subjective. Les agents qui accomplissent ce travail ne b��icient
d'aucune habilitation particuli�e. Leurs interpr�ations et leurs d�isions
peuvent �re tr� diverses, compte tenu du manque de formation pr�lable, de la
diversit�des statuts priv� ou publics et de l'absence de r��ence �des
principes d�ntologiques communs.
La vraie nouveaut�apport� par la vid� comme
technologie de contr�e est d'enrichir de nouveaux signes la repr�entation de
l'individu. Le double informationnel constitu�jusqu'alors exclusivement de
donn�s textuelles, va devenir gr�e au suppl�ent de l'image, un double
multim�ia. D�ormais, il faut prendre en compte les particularit� de cette
nouvelle transparence qui ne pose pas tout �fait les m�es probl�es que
l'ancienne. La notion d'information qui gomme les diff�ences entre les diverses
modalit� de repr�entation est une notion beaucoup trop g��ale et abstraite.
L'image ne comporte pas en effet les m�es int��s et inconv�ients que des
donn�s textuelles.
Des th�ries de l'information et de la communication
comme l'�ole de Palo Alto, la s�iologie et surtout la m�iologie, ont attir�
l'attention sur l'importance du support et de la nature des signes. En
reprenant une distinction propos� par Charles Peirce, on peut distinguer trois
types de signes : l'indice, l'ic�e et le symbole. Ces signes proposent des
modes de repr�entation diff�ents : l'indice est un fragment de l'objet
repr�ent�ou en contigu��avec lui comme l'empreinte d'un pas sur la neige ;
l'ic�e ressemble �l'objet sans se confondre toutefois avec lui et recelant
une identit�de forme, elle n'est pas arbitraire ; le symbole, lui, n'a plus de
rapport analogique avec l'objet mais simplement un rapport conventionnel comme
c'est le cas avec les signes linguistiques qui, compte tenu de leur caract�e
arbitraire, doivent �re d�hiffr�. Les signes pr�ev� sur l'individu
comportent ces trois types de repr�entation : l'information indicielle des
traces laiss�s sur les supports �ectroniques, l'information symbolique des
donn�s structur�s des fichiers et enfin, l'information analogique des images
vid� et peut-�re demain, des sons.
Naturellement dans la r�lit� ces distinctions ne
sont pas aussi tranch�s. Ainsi, l'information indicielle peut venir enrichir
les donn�s d'un fichier et l'image peut �re consid�� tout �la fois, comme
une information indicielle et analogique. Malgr�ses limites, cette distinction
permet toutefois, de faire appara�re les particularit� de repr�entations qui
pr�entent des avantages et des risques distincts. Puisque la nouveaut�est
apport� par l'enregistrement de l'image, il convient de s'int�esser aux
diff�ences qui existent entre ce type d'information analogique et
l'information symbolique des fichiers classiques. On en retiendra deux
principales.
La premi�e vient du fait que cette derni�e
information fait l'objet d'une s�ection et d'une structuration pr�lable �
l'enregistrement alors que la cam�a vid� enregistre tout ce qui entre dans
son champ de vision. Il en r�ulte que la visualisation apporte une information
exc�entaire par rapport aux finalit� de l'enregistrement. Ainsi, au del�de
son identification, l'image d'une personne surtout si elle est anim�, livre
une foule d'information sur sa personnalit�: expressions et mimiques du
visage, gestuelle, environnement, habillement, etc. Cette surabondance
d'informations est d'autant plus probl�atique qu'�la diff�ence d'un texte,
une image, plus polys�ique par nature, fait l'objet d'une interpr�ation
imm�iate. Le manque de recul et de d�achement peut conduire �des
interpr�ations sommaires et �des r�ctions primaires. Il est vrai que dans
l'avenir, des logiciels pourront servir d'aide �la d�ection de certaines
situations. Ainsi par exemple, certains logiciels sont d�elopp� pour aider �
la d�ection de comportements jug� d�inquant. Il s'agit d'isoler sur une
bande d'images prises en continu par une cam�a, la personne dont un geste
appara� anormal au regard d'un sc�ario pr�lablement �abli, en lui faisant
perdre l'anonymat dont elle jouissait dans la foule des transports en commun ou
des espaces marchands.
Une seconde diff�ence fondamentale entre le texte
et l'image, provient du caract�e indiciel et analogique de cette derni�e.
Alors que par nature l'information symbolique est arbitraire, le signe iconique
semble rendre compte de la r�lit�m�e, sans interm�iaire. L'objet repr�ent�
s'imprimant directement sur la couche sensible de la pellicule, l'image vid�
constitue une preuve, un certificat de r�lit� Plus que d'une repr�entation,
il s'agit d'une pr�entation. Du fait de l'absence d'arbitraire du signe,
l'image a une grande valeur probante. Le fait qu'elle provienne d'une machine
qui permet de r�liser une industrialisation de la vision, ajoute encore �sa
cr�ibilit� A la diff�ence d'un op�ateur humain, la machine effectue un
enregistrement objectif et automatique dans le champ dans lequel elle op�e.
Aussi bien, les fausses interpr�ations peuvent avoir des cons�uences
redoutables. La num�isation des messages facilitera les falsifications, les
manipulations et les contrefa�ns de toutes sortes. On pourra m�e recourir �
la simulation pour accr�iter un quelconque point de vue et en d�ontrer sa
pertinence, par la pseudo-�idence du visible.
La
n�essaire protection des donn�s
La finalit�s�uritaire des dispositifs de
vid�surveillance est de nature �leur donner une forte l�itimit� La s�urit�
constitue en effet un moyen indispensable d'exercice des libert� et constitue
un des premiers droits de l'homme. Comme l'affirme l'adage : "Qui n'a
sret� n'a nul bien". Ce bien est d'ailleurs in�alement partag� Tous
les espaces ne sont pas surveill� avec la m�e attention et le recours in�al
�la technos�urit�peut �re un facteur de renforcement des in�alit�
sociales et de l'exclusion. Dans un espace urbain continu, peuvent coexister
d'un c�� des quartiers vid�surveill� de haute s�urit�et de l'autre, des
quartiers o la d�inquance prosp�e et o la police n'ose plus p��rer.
Quoiqu'il en soit, la surveillance ne saurait �re sans limites et sans bornes.
La restriction de libert�que constitue la lev� de l'anonymat de l'individu
qui va et vient dans la ville, ne se justifie pas toujours. De m�e, on
s'aper�it que sous pr�exte de lutte contre la d�inquance, les cam�as
surveillent les salari� ou scrutent les habitudes comportementales des
clients.
Devant ces risques pour les libert�, il est apparu
n�essaire de limiter le recours �ces dispositifs et de soumettre leur
utilisation, au respect d'un certain nombre de r�les. Saisies de plaintes et
consult�s par des municipalit� ou des entreprises publiques d�irant
installer des syst�es, les commissions de protection des donn�s ont jou��
cet �ard, un r�e essentiel. Conscientes des dangers de la situation, elles
ont fait un effort d'adaptation des r�les sur la protection des donn�s
personnelles, �onc�s dans la Convention du Conseil de l'Europe de 1981 et
dans la plupart des lois nationales. En France, la Commission Nationale de
l'Informatique et des Libert� (CNIL) publiait en 1994, une recommandation sur
les dispositifs de vid�surveillance mis en uvre dans les lieux publics et les
lieux recevant du public. Ce texte recommandait l'observation de cinq principes
essentiels : respecter le principe de proportionnalit��savoir l'�ablissement
d'un compromis satisfaisant entre le souci de la s�urit�et le souci des
libert� de l'individu ; ne pas placer les cam�as de mani�e �visualiser les
entr�s des lieux publics ; limiter le stockage des images aux situations de
pr�ention des atteintes aux personnes et aux biens ; ne pas les conserver plus
d'une quinzaine de jours ; enfin, informer clairement le public de l'existence
des syst�es. En 1995, l'adoption de la directive europ�nne sur la protection
des donn�s personnelles, fait entrer, au m�e titre que les donn�s
textuelles, les images et les sons dans le champ des donn�s nominatives
soumises �protection. Ces informations doivent b��icier des m�es garanties
quelle que soit leur forme : texte, image ou son. La directive pr�oit en
cons�uence que les principes de l'information pr�lable des personnes, de la
s�urit�des donn�s, de la loyaut�des traitements ou de la limitation de la
dur� de conservation des donn�s sont applicables aux syst�es de
vid�surveillance.
Elabor�s en r��ence aux dangers des grands
fichiers informatis� dans les ann�s 70, les mesures protectrices sont parfois
difficilement applicables compte tenu de l'objectif principalement s�uritaire
des traitements et des particularit� du signe iconique. La volont�de lutter
contre l'ins�urit�et la d�inquance rend plus difficile qu'ailleurs, la
recherche d'un compromis satisfaisant entre le souci des int��s sociaux et le
souci de d�ense des libert� individuelles. Si la directive europ�nne int�esse
les traitements de vid�surveillance mis en uvre �des fins priv�, elle
exclut de son champ d'application, les traitements qui sont mis en uvre �des
fins de s�urit�publique, de d�ense et de s�urit�de l'Etat. Dans ce
domaine, ce sont des r�lementations nationales qui doivent intervenir. Une des
premi�es lois en la mati�e, la loi fran�ise du 21 janvier 1995 relative �la
s�urit� qui r�lemente la vid�surveillance dans les lieux publics et ouverts
au public, montre que les garanties ont toutes chances d'�re revues �la
baisse. Ce texte comporte plusieurs dispositions protectrices des libert�
individuelles. L'installation des syst�es doit concerner des lieux
"particuli�ement expos� �des risques d'agression et de vols". Le
public doit �re inform�de mani�e "claire et permanente" de
l'existence des syst�es. La dur� de conservation des enregistrements est
limit� �un mois, sauf naturellement en cas d'enqu�e judiciaire. Les
personnes film�s se voient reconna�re un droit d'acc� aux bandes vid� sur
lesquelles elles figurent. L'installation des syst�es est subordonn� �une
autorisation. C'est l�pr�is�ent o les garanties sont revues �la baisse :
l'autorisation est donn� dans chaque d�artement, par le pr�et, apr� avis d'une
commission pr�id� par un magistrat. A la diff�ence d'une commission de
protection des donn�s qui b��icie d'une r�lle ind�endance, le pr�et est
une autorit��roitement d�endante du gouvernement et du ministre de la
police. C'est dire qu'il n'est pas le mieux plac�pour imposer des compromis
satisfaisants entre le souci de l'ordre public et celui des libert� et que son
intervention ne constitue pas une r�lle garantie. L'exp�ience r�ente
d'application de la l�islation montre que la plupart des syst�es d�lar� ont
��autoris�. A cet �ard, il est pr�ccupant de constater le peu
d'empressement des utilisateurs de la vid�surveillance, �observer les
nouvelles r�les. A ce jour, moins de 25% des syst�es install� ont fait
l'objet d'une d�laration.
On l'a vu, le signe iconique comporte des
particularit� par rapport aux autres formes de repr�entation. La polys�ie
des images rend malais�le respect du principe de finalit�et de pertinence des
donn�s. L'exercice du droit d'acc� se heurte �la protection de l'image des
tiers d� lors que l'image de la personne voulant exercer ce droit, a ��prise
au sein d'un groupe. De la m�e fa�n, l'exercice du droit d'opposition est
impossible devant une machine qui ne demande jamais la permission de filmer.
L'image pouvant r��er l'origine ethnique d'une personne peut �re consid��
comme une donn� sensible m�e si on voit mal comment la faire b��icier du
surcro� de garanties qui est pr�u dans ce cas. Le signe iconique est par
nature d'une grande sensibilit�et sa num�isation ouvre d'�ormes possibilit�
en termes de diffusion et de manipulation. Si on veut donner une port� autre
que symbolique �la protection institu�, la recherche de r�les plus adapt�s
est indispensable. Dans un des derniers articles de la directive europ�nne de
I995, il est pr�u d'attacher une attention particuli�e aux traitements de
donn�s constitu� par des sons et des images et de r�l�hir aux
"propositions appropri�s qui pourraient s'av�er n�essaires en tenant
compte des d�eloppements de la technologie de l'information et �la lumi�e de
l'�at des travaux sur la soci��de l'information".
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[1] - Ce texte est celui de la
conf�ence introductive donn� �la 22�e Conf�ence internationale des
commissaires �la protection des donn�s personnelles (Conferenza
Internazionale sulla privacy e la protezione dei dati personali) �Venise,
les 28-30 septembre 2000. Cette contribution a ��inclue dans les actes de la
conf�ence.
Site
de la Commision italienne de protection des donn�s :
http://astra.garanteprivacy.it/garante/
[2] - Centre d'�ude des
m�ias, Universit�Michel de Montaigne, Bordeaux-Talence