La situation socio-économique de gestation des technopoles
s'installe après la guerre de 1939-45. Avec la mondialisation progressive
des échanges, les enjeux stratégiques créés
pendant la guerre s'affirment sous forme de concurrence internationale
et de guerre froide.
Depuis les années 1970, les politiques d'innovation
deviennent prioritaires en vue d'un nouvel essor des économies qui
s'essoufflent. Cette orientation est censée permettre :
- une restructuration industrielle,
- une adaptation de l'appareil productif aux nouvelles technologies,
- un équilibre de la concurrence internationale,
- la lutte contre le chômage,
- la création d'un climat social, économique
et culturel favorable au changement technique
Dans ce contexte s'exprime toute l'importance du rôle
de l'Etat pour orienter et infléchir la société avec
des moyens adéquats. La part des budgets militaires -paradoxalement
les plus importants dans les pays les plus libéraux- souligne le
double enjeu stratégique de la technologie. Il s'agit d'assurer
des moyens de défense puissants et sophistiqués, et de préserver
l'indépendance nationale.
La diffusion du modèle technopolitain commence dès
les années 1950. La genèse a lieu après le conflit
de 1939-45 aux Etats-Unis, avec la Silicon Valley. C'est le fruit de la
volonté d'un homme -Frederick Terman, vice-président de l'université
de Stanford- qui crée le Stanford Research Park en 1951 grâce
à des crédits militaires largement mobilisés pour
la recherche /radars et balistique/ pendant la guerre.
En parallèle, dès les années 1950 commencent
les implantations de sociétés de semi-conducteurs dans la
Silicon Valley. Elles sont en étroite relation avec l'université.
Ainsi, Hewlett-Packard, IBM, Texas Instruments sont initialement issues
des associations entreprises-universités. A la même époque
les grandes usines taylorisées sont montées en France.
Dans les années 1960, l'idée des parcs scientifiques
fait son entrée en France, mais aussi en Europe. Par la volonté
d'un universitaire proche de l'industrie, Pierre Lafitte, influencé
par le phénomène vu aux USA et ses prémisses dans
d'autres pays tels que l'Allemagne, l'URSS, etc. Sophia-Antipolis est crée
en 1969-70 sur une idée avancée en 1960.
A la fin des années 1970, c'est au Japon que sont développées
les technopoles, après l'échec relatif du parc scientifique
de Tsukuba conçu en 1960 et achevé en 1972. Pour cette fois
réussir, sous la direction du Ministère de l'Industrie et
du Commerce International (MITI), un plan volontariste programme sur vingt
ans la création de technopolies des préfectures. Les implantations
sont faites dans les délais prévus à proximité
de grandes villes telles que Osaka, Nagoya ou Hiroshima.
Les années 1980 marquent une phase de maturité
et de relative unification du phénomène dans ces trois régions
du monde. Le développement des technopoles commence hors de ces
trois grands ensembles par l'exportation du modèle dans des pays
en voie d'industrialisation.
Au début des années 1980, les technopoles reposent
sur l'idée de "synergies par proximité d'objets" (1)
de recherche. Ce sont principalement des zones industrielles de haut de
gamme coupées des zones urbaines de tradition industrielle.
En 1985 est mise en place une réorganisation par activités.
Les entreprises sont sélectionnées selon leur valeur ajoutée
en termes d'innovation. Il s'agit de développer la flexibilité
du partenariat interentreprises, d'assurer la réorientation de sites
économiques classiques, mais sinistrés, comme le Creusot
en France, Karlsruhe en Allemagne, Hiroshima au Japon, et bien d'autres
dans les pays industrialisés.
Les années 1990 sont le temps des "réseaux multipoles",
de la division mondiale du travail, des spécialisations régionales,
de la répartition des productions, et de la reconversion de sites
industriels classiques non sinistrés, comme Turin en Italie ou la
région Paris Sud en France. C'est un mouvement en profondeur de
rénovation de l'ensemble du tissu industriel à l'échelle
mondiale.
La reconversion de vieilles régions industrielles est
poursuivie et touche des agglomérations de tailles toujours plus
réduites comme Metz, Nancy, ou Saint-Etienne. Les villes moyennes
se dotent de sites qui portent le titre de technopole. Ces nouveaux parcs
technologiques sont de plus en plus insérés dans des espaces
métropolitains. La tendance est à une transition entre d'anciennes
et de nouvelles technologies, et à l'implantation de ces dernières
dans des espaces qui ne sont pas des centres de ressources technologiques
traditionnels. Dans ces régions économiques sans traditions
industrielles marquées, les parcs technologiques sont souvent en
dehors des villes, créés de toutes pièces.
Une autre tendance d'envergure régionale ou interrégionale
est "la multipolarité" (2), c'est-à-dire
la création de liens d'échanges entre des pôles technologiques
distants, mais complémentaires en termes de ressources.
Comme "la mise en place d'un technopole, l'épanouissement
d'un technopole exigent du temps" (3), le visage
des parcs technologiques existants est fonction de l'ancienneté.
Dans les parcs les plus récents, la tendance est à implanter
coûte que coûte des entreprises dans des locaux ou sur des
terrains aménagés mais disponibles, avec un embryon de vie
économique qu'il faut développer. Dans les technopoles matures,
la tendance est de conserver "les stades les plus nobles de la recherche
et de la conception, (en) diffusant hiérarchiquement dans l'espace
les fabrications [...]" (4). Alors que certaines
activités en présence dans les parcs scientifiques naissants
ne sont pas toujours très proches de la haute technologie, un recentrage
semble se dessiner dans les technopoles bien développées.
Hommes et structures en jeu dans les technopoles
Les parcs technologiques sont, avant toute autre chose, destinés
aux activités de production industrielle, de service et de recherche.
Si les entreprises sont majoritairement des PME-PMI, quelques grosses unités
fournissent généralement l'essentiel des effectifs présents
sur les sites. Les exemples du CEA à Saclay qui rassemble environ
8000 personnes, de IBM avec 3000 salariés à Corbeil-Essonne
ou d'Hewlett-Packard avec 1000 employés à Evry illustrent
cette tendance. Dans un espace commun se côtoient des organisations
composées de moins de dix à plusieurs milliers de personnes.
Ces entreprises sont soit indépendantes, soit les filiales de grands
groupes multinationaux. Il s'agit assez souvent de sous-traitants, issus
ou non de l'essaimage des grandes sociétés, fortement attachés
à des donneurs d'ordres implantés localement ou sur des sites
plus éloignés. La réputation des technopoles veut
que les secteurs d'activités des entreprises soient de haute technologie.
La réalité rencontrée se montre fort différente.
D'une part, il est difficile de s'accorder sur la définition de
la haute technologie. D'autre part, une fois cet obstacle franchi, il apparaît
que les entreprises de haute technologie ne sont pas nécessairement
les plus nombreuses dans les parcs technologiques.
Autre point du triangle de la synergie des technopoles, les
structures de formation supérieure sont essentielles dans l'existence
de pôles technologiques. Il s'agit souvent d'universités largement
dédiées aux sciences dites exactes. Les organismes de formation
sont intégrés dans tous les projets de développement
des technopoles. Dans certains cas, cet aspect est, avec la recherche,
supérieur à l'activité industrielle et commerciale.
Une fois de plus, le plateau de Saclay illustre cette situation avec quatorze
centres d'enseignement supérieur et de recherche.
Sources de nouvelles technologies pouvant être destinées
aux entreprises, les laboratoires de recherche fondamentale et appliquée
sont également une des composantes clés dans le concept de
technopole. Comme cela est précisé plus haut, le principe
des pôles technologiques repose sur des liens d'échanges et
de collaboration, notamment entre des entreprises et des chercheurs, pour
la découverte et le développement de technologies inédites.
Il est donc logique de trouver ces équipes de recherche sur les
technopoles ou à proximité de ces dernieres.
Il apparaît vite que les entreprises, les universités,
les écoles et les laboratoires présentés précédemment
s'insèrent dans un environnement composé de multiples organismes,
dont les structures et les finalités sont souvent très hétérogènes.
Les liens qui unissent toutes ces instances avec la technopole invitent
à tenir compte des partenaires souvent occultés dans la présentation
du concept de technopole. Il s'agit des administrations, des collectivités
locales, des instances politiques et juridiques. En adoptant une classification
proposée par Thierry Bruhat, il s'agit du "groupe représentant
de l'Etat et collectivités" et du "groupe entreprise"
(5).
La technopole apparaît comme un lieu de rapprochement
du secteur privé et du secteur public. Cette distinction tend à
passer en arrière plan face au projet de développement économique
et social que représente la mise en place d'une technopole. Les
collectivités locales sont le point de rencontre des deux secteurs,
par le biais de personnages qui peuvent cumuler des fonctions et sont très
proches les uns des autres dans la vie locale, départementale et
régionale. Les individus opèrent par les liens qui les unissent
les jonctions entre les instances privées et publiques.
Les penseurs de la question des technopoles qui s'attachent
à l'aspect humain et social du phénomène évoquent
la nécessité d'inventer "des institutions médiatrices
ad hoc animées par des hommes enthousiastes et compétents"
(6). Ces organismes d'un genre nouveau sont des incubateurs
de métiers et de professionnalismes jusqu'alors inédits.
L'innovation réside dans le fait que les compétences propres
des animateurs de technopoles sont en fait le fruit d'une adaptation de
savoir-faire habituellement atomisés dans les milieux économiques,
sociaux et politiques connus jusqu'ici. Certains acteurs sont comparables
à un creuset où fusionnent des qualités de médiation,
de gestion, de négociation, de création, d'organisation,
spécifiquement amalgamées pour mettre en oeuvre la technopole.
Associations, groupements et technopoles
L'histoire des parcs technologiques est jalonnée par
l'existence d'institutions créées pour rassembler les acteurs
technopolitains. Parmi les plus étendues figure l'International
Association of Science Parks (IASP), d'envergure internationale. Ce principe
de regroupement de plusieurs technopoles existe également à
l'échelle d'un pays. En France, il s'agit par exemple de l'association
France Technopoles qui est une section de l'IASP. A d'autres échelles
existent des associations interrégionales, départementales
ou locales qui regroupent soit des technopoles implantées dans différents
départements, soit des parcs technologiques disséminés
sur des communes limitrophes. Les associations d'envergure internationale
ou nationale ont souvent pour membres les associations, les organismes
d'animation et de représentation propres à chaque technopole.
En France ces structures adhérentes sont souvent rattachées,
selon les circonstances, à des chambres de commerce et d'industrie
(CCI), des collectivités locales ou des unions patronales. Dans
tous les cas elles représentent une ville, une agglomération
ou un bassin d'emploi.
Les objectifs poursuivis dans ces groupements associatifs sont
sensiblement les mêmes d'un cas à l'autre. Les principes fondamentaux
sont la représentation et l'interface des membres auprès
des organismes en rapport avec la technopole. Ensuite sont pris en compte
la promotion et la diffusion de l'image et des actions menées à
titre individuel ou collectif par les acteurs technopolitains. Ces aspects
sont déclinés de façon à communiquer vers l'extérieur
de l'association, mais aussi dans l'association entre les associés.
L'association est composée d'au moins trois catégories
de personnes. Au commencement se manifestent les fondateurs. Ce sont des
universitaires ou des directeurs de grandes écoles, des chefs d'entreprises
ou des cadres, détachés par leur société ou
par leur administration au service d'un ministère pour mener une
mission locale. Ce sont des personnes mues par une inspiration personnelle
ou par la volonté de leur hiérarchie de mettre en oeuvre
l'idée de technopole.
Ces instigateurs occupent souvent la présidence d'une
association de promotion et d'animation technopolitaine. Ensuite, le recrutement
des responsables de l'activité associative se fait le plus fréquemment
parmi les membres de la première heure et les figures locales. Ces
personnes, membres plus ou moins actifs, membres de commissions de travail
thématiques, membres du bureau, remplissent bénévolement
leur mandat associatif et mènent en parallèle une activité
professionnelle rémunératrice. Les individus rencontrés
à ces postes sont plus souvent des cadres -parfois dirigeants- que
des petits patrons. Cette tendance s'explique essentiellement par le manque
de disponibilité qui caractérise les responsables de PME-PMI.
Ces derniers sont obligés d'assurer le travail équivalent
à plusieurs postes d'une grande structure.
Pour assurer la continuité de fonctionnement et les
tâches administratives, les associations disposent selon leur taille
et leurs ressources d'un ou plusieurs salariés permanents. Ces personnes
mettent en oeuvre le principe fédérateur de l'association.
Elles se chargent de collecter et de diffuser l'information, d'organiser
les manifestations régulières ou ponctuelles, et gèrent
certains contacts entre les membres de l'association.
Enfin apparaissent les usagers associés. Cette dernière
catégorie de personnes peut être assimilée à
des utilisateurs, plus ou moins actifs et motivés, d'une structure
et de ses actions. En effet, ces membres viennent vers l'association dans
le but d'obtenir des services, des conseils, ou des informations de la
part d'autres associés ou d'organismes en contact avec l'association.
Les demandes sont adressées aux salariés permanents ou directement
aux membres du bureau et des éventuelles commissions chargées
d'un problème. Ces questions sont traitées directement ou
répercutées vers d'autres spécialistes choisis dans
les réseaux personnels des associés contactés. Le
niveau de compétence des adhérents est en général
élevé, au moins dans leur domaine d'activité économique,
juridique ou scientifique. En conséquence, les associations sont
de très importants réservoirs humains de connaissances et
de savoir-faire. La mobilisation des individus dans ces groupes repose
sur l'adage "L'union fait la force". Il existe une reconnaissance d'un
intérêt commun qui est fortement susceptible de servir plus
ou moins la cause de chacun.
Cette approche est d'autant plus adoptée que le contexte
économique et technique impose la contribution de plusieurs partenaires
-dépositaires de savoirs complémentaires- à la réalisation
d'un produit. Les liens entre les métiers de plus en plus pointus
et spécialisés sont particulièrement forts en temps
de mondialisation des échanges et de la concurrence. D'après
ce constat, il est probable que les PME-PMI organisent dans ces associations
une défense collective par un renforcement et une protection des
échanges locaux. Cette démarche permet de faire des économies
financières, de simplifier les échanges, de mieux contrôler
et garantir les produits, de mettre en place une entraide fondée
sur la confiance et la reconnaissance, car les acteurs bénéficient
alors de la proximité.
Le cas des pôles du Sud de la région Ile de
France
Cette zone nébuleuse est répartie sur les quatre
départements des Hauts de Seine, de l'Essonne, du Val de Marne et
des Yvelines. Elle est "le plus grand parmi les nouveaux espaces industriels
fondés sur la haute technologie" (7) en
France.
En 1982, cette région regroupe 1 168 000 habitants qui
selon les prévisions de l'époque auraient été
1 350 000 en 1990. "C'est le plus grand potentiel français dans
le domaine de l'enseignement, de la recherche et de la technologie. Près
de 35 000 chercheurs travaillent dans cette zone qui renferme 43% des laboratoires
de recherche et 60% des grandes écoles de France, plus deux universités,
Paris-Sud (XI) et Paris Val-de-Marne (XII)" (8).
La place et le rôle officiels des associations interprofessionnelles
dans les technopoles font de ces structures un point privilégié
de rencontre et d'observation des acteurs locaux. En choisissant deux d'entre
elles pour étudier leurs activités, est recentrée
autour du plateau de Saclay et de la zone d'activité concertée
(ZAC) de Courtaboeuf.
Le plateau de Saclay est initialement une unité géographique
naturelle de six kilomètres sur dix kilomètres environ. Dans
cette zone est défini un périmètre d'aménagement
de 5 000 hectares, sur les départements des Yvelines et de l'Essonne.
Il englobe la totalité de trois communes et partiellement douze
autres, toutes rassemblées en syndicat intercommunal depuis le 16
décembre 1988 . En 1990, "environ 7000 habitants résident
dans environ 2300 logements", alors que la population des quinze communes
du district s'élèvent à 109 010 habitants. En 1985,
environ 50 000 emplois étaient concentrés dans les communes.
Les trois-quarts des salariés travaillent dans le tertiaire, et
la part du secteur public évolue de 40% en 1982 à 45% en
1984. La présence de nombreux établissements de recherche
et d'enseignement et de grandes entreprises publiques explique cette tendance.
Dix zones d'activités sont installées ou en projet
dans le périmètre du plateau : deux à Buc, un projet
à Châteaufort, une à Orsay, deux à Saclay, deux
à Saint-Aubin, une à Toussus-le-Noble et une à Villiers-le-Bâcle.
Toutes ont moins de cinq ans d'existence et la plupart ont une taille réduite
de moins de dix hectares - sauf 39 hectares pour la zone du haut Buc.
La ZAC de Courtaboeuf est implantée au croisement de
trois communes du nord de l'Essonne : Les Ulis, Villejust et Villebon.
Proche du plateau de Saclay, ce parc d'activités industrielles et
de services de 200 hectares héberge environ 900 entreprises de toutes
tailles, liées en majorité à des activités
de haute technologie. "Le secteur de l'informatique et de l'électronique
rassemble plus de 45% des entreprises [...] : Courtaboeuf est considéré
de ce fait comme le troisième pôle informatique français
après Toulouse et Grenoble [...]". D'après l'analyse
d'un échantillon d'entreprises, "La fonction production ne concerne
que 5 à 10% des entreprises, la distribution de produits hors informatique
20%, et les services représentent 25% ; 45% des PMI emploient moins
de dix personnes, 40% entre 10 et 49, 10% entre 50 et 100, 5% seulement
ont plus de cent salariés, mais ces dernières entreprises
représentent cependant 30% des emplois totaux de la Z.A C" (9).
L'animation de ces espaces repose en partie sur deux associations.
L'association bicéphale Ile de Science -Ile de Science Industries
(IDS - IDSI) est implantée dans le parc d'activités baptisé
Les Algorithmes à Saint-Aubin. D'une part, les quatorze établissements
d'enseignement supérieur et de recherche sont regroupés pour
"favoriser les liens entre enseignants, chercheurs, ingénieurs
et étudiants afin de développer les transferts du savoir,
notamment vers le monde économique" (10).
"Lieu de concertation et de création, Ile de Science représente
la communauté scientifique devant les autorités nationales,
régionales et locales, tout particulièrement en ce qui concerne
l'aménagement et l'environnement" (11).
Avec des organismes parmi les plus réputés de France -le
CEA, l'Ecole Polytechnique, HEC, l'INRA, l'INSERM, l'ONERA, Supelec, Thomson,
l'Université Paris Sud, cette association rassemble un potentiel
de quelques milliers d'enseignants, de chercheurs, et des dizaines de milliers
d'étudiants.
D'autre part, dans le même bâtiment et au même
étage qu'Ile de Science, mais dans des bureaux séparés,
Ile de Science Industrie est une association chargée de :
- "promouvoir l'image technologique et industrielle des
entreprises de l'Espace Ile de Science au niveau national et international,
- "représenter les entreprises auprès de la
communauté scientifique, des collectivités locales et de
l'Etat,
-"participer à l'évolution de son environnement
et à l'animation culturelle et scientifique de cet espace,
-"assurer la synergie avec les organismes de recherche et
d'enseignement supérieur d'Ile de Science.
L'association des entreprises de la zone d'activités
de Courtaboeuf (ADEZAC) est installée dans le parc d'activités
des Ulis. Forte d'environ 300 entreprises adhérentes rassemblant
environ 14 000 salariés (12), l'ADEZAC est
également une association de loi 1901 dont les membres du bureau,
comme ceux des commissions thématiques de travail qu'elle organise,
sont bénévoles. L'ADEZAC est l'un des sept groupements interprofessionnels
de l'Union patronale du département de l'Essonne rattachés
au CNPF. A ce titre, certains adhérents ont des mandats patronaux
-ASSEDIC, Tribunal de commerce, Conseil des Prud'hommes, CAF, CPAM Sécurité
sociale, etc.
De plus, des commissions, elles aussi présidées
et animées par des membres, travaillent dans les domaines suivants
:
- communication, marketing,
- sponsoring, convivialité,
- emploi,
- formation professionnelle,
- liaisons grandes entreprises,
- conseil aux PME-PMI,
- financement entreprise,
- partenariat entreprises - administrations,
- sécurité, environnement,
- liaisons routières et autoroutières.
Dans chacun de ces secteurs, l'association prend en charge
et représente les intérêts collectifs et particuliers
de ses membres face aux instances locales, départementales, régionales,
voire nationales.
IDS, IDSI et l'ADEZAC organisent des réunions thématiques,
des petits déjeuners d'information, de rencontre et de travail,
des journées de rencontres technologiques, selon l'intérêt
de l'ensemble des adhérents ou des groupes d'entreprises spécialisées
dans un type d'activité.
Dans chaque association, un ou plusieurs salariés permanents
assurent le travail administratif, le relais d'information, l'organisation
de réunions, l'accueil et l'orientation des demandes des adhérents.
Les enseignements de la vie des associations technopolitaines
De toute évidence, le rôle démocratique
des associations décrit par Alexis de Tocqueville est réel
(13). Les acteurs sont nombreux à utiliser
cette structure pour agir, selon leurs motivations personnelles, dans les
secteurs économique et social. Chacun à son niveau et selon
ses idées espère améliorer son sort mais aussi celui
de son entourage :
"Une vie associative, c'est vraiment plus intéressant
parce qu'on a l'impression de vraiment pouvoir résoudre les problèmes.
On a l'impression de pouvoir s'attabler à des problèmes de
structure, de société, des problèmes d'intégration
des jeunes"
Les témoignages de ce type émanent de responsables
d'associations et d'entreprises évoquant leurs motivations. Il faut
noter que, d'une façon ou d'une autre, c'est la volonté partagée
d'être un acteur, un constructeur de son environnement qui prime.
L'amélioration du sort de chacun, en commençant par soi et
ses proches, est un but. Cet altruisme n'est pas désintéressé,
puisque la motivation économique reste essentielle chez les décideurs.
Cependant, il faut noter un vrai souci d'ouverture et de dialogue avec
autrui. La notion d'accueil est réellement développée
dans les technopoles étudiées. Un autre aspect important
de l'action associative, complémentaire du précédent,
est la capacité d'expression et de représentation auprès
des représentants du pouvoir. La volonté d'agir a peu de
chances d'aboutir si elle n'est pas servie par une force de contre-pouvoir.
Or l'association interprofessionnelle apparaît comme un moyen de
pression non négligeable auprès des autorités locales,
départementales, régionales, voire nationales :
"Donc on a forcé un peu les pouvoirs publics, parce
que ça remonte jusqu'aux pouvoirs publics, ça va très
loin. Les associations représentant un volume important d'employés,
ont un poids économique et un poids de décision."
Bien entendu, comme tout moyen, la puissance des associations
d'entreprises est au service de ceux qui l'emploient. Elle n'est ni bonne
ni mauvaise en elle-même. Seul l'usage et la destination qui sont
choisis permettent a posteriori de définir si le pouvoir des associations
est ou n'est pas positif. La réalité ne propose pas de réponse
unique. A chaque bénéficiaire est opposable une personne
qui se sentira flouée. Tout le monde ne partage pas les mêmes
souhaits pour la société dans laquelle il veut vivre. Les
conflits et les contradictions ne manquent pas pour illustrer cet état.
Il est intéressant de constater que l'association offre
une marge d'action informelle qui permet d'aborder quelque difficultés
particulières de la société dite moderne. Dans le
cadre rigide et contraignant de la concurrence économique et sociale,
l'action associative permet de transgresser diverses règles et limites
qui cloisonnent les milieux sociaux, brident la liberté d'action,
et parfois l'efficacité.
Innover, c'est en quelque sorte sortir des sentiers battus,
s'extraire d'un paradigme (14). C'est introduire un
changement dans un cadre composé d'éléments connus.
Dans certaines de leurs actions, les associations sortent parfois des schémas
sociaux établis. Elles apparaissent alors comme des lieux, des structures
de nouveauté et d'adaptation sociales où il est possible
de faire progresser la règle de conduite.
Cette évolution apparaît très nettement
dans les technopoles à travers certaines relations entre des groupes
sociaux qui sont traditionnellement très cloisonnés.
Cette innovation relationnelle se manifeste par exemple dans
le cadre de la formation. C'est la création de diplômes et
d'établissements qui correspondent à une approche par les
besoins des entreprises.
Certes cet exemple n'est pas le résultat de la seule
action associative. Mais cette dernière permet en partie d'avoir
un rapprochement réel de deux univers au demeurant séparés,
bien que confrontés à des problèmes communs. Ce point
de rencontre est la clef d'une approche originale et concrète de
l'adéquation entre la formation et le marché de l'emploi.
Dans le même ordre de préoccupation, un responsable
de l'emploi, membre d'une association interprofessionnelle, propose un
traitement particulier du problème du chômage. Il s'agit d'utiliser
l'association "parce que c'est le support qui me paraît le plus
facile, parce que je peux intervenir dessus" dit-il. Cette démarche
doit permettre de "mettre en place une structure pour qu'elle gère
(la convention d'insertion). Et dans ce cas là, une fois qu'elle
est en place , moi je me retire, parce que mon rôle n'est pas d'avoir
une double casquette. Sachant que derrière je vais signer la convention
(en tant que partenaire de l'association)", poursuit-il. Grâce
à cette double appartenance, une solution assez originale peut voir
le jour après avoir germé dans l'esprit d'un seul acteur.
L'association permet, en tant qu'auxiliaire, la mise en oeuvre
d'un projet malgré des motivations éventuellement divergentes.
Chaque membre est libre de mettre en commun ses ressources sur tel ou tel
projet selon une stratégie et des motivations parfois très
personnelles. Ce fonctionnement semble plus difficile dans une organisation
du type entrepreneurial qui regroupe les acteurs et leurs ressources autour
d'un projet, dominant propre à l'entreprise. Bien entendu, cette
analyse ne vaut que pour un groupement qui est au service de l'ensemble
de ses membres. Dans certains cas, l'association peut très bien
servir les attentes de quelques associés. Alors existent les mêmes
difficultés que dans une structure classique d'entreprise.
Enfin, il faut retenir que la grande originalité, qui
parfois passe pour courante ou anodine, est le décloisonnement des
secteurs public et privé. Cette tendance est en fait largement servie
par la loi de décentralisation de 1982, qui renvoie au niveau local
des responsabilités autrefois centralisées par l'Etat. Les
agents de la fonction publique délégués dans les collectivités
locales sont en contact direct avec des partenaires privés. Ils
travaillent sur des questions communes. Par conséquent, le rapprochement
des individus peut être plus fort que la séparation des institutions.
Dans certains cas, cela aboutit à des multi-appartenances :
"Les administrations n'adhèrent pas à l'union
patronale puisqu'elles n'ont pas le droit de par leur statut. Certains
adhérent mais c'est fait à leur initiative pour leur département.
Mais ils ne peuvent pas mettre en cause l'Etat en tant que tel [...]"
Toutes les situations décrites dans les précédents
paragraphes montrent que l'action associative est prometteuse dans les
technopoles. Cependant, trois réserves méritent d'être
formulées. Les réalisations présentées n'ont
qu'une valeur d'exemple. La plupart d'entre elles sont encore à
l'état de projet. La haute technologie semble peu présente
dans les processus d'innovation issus des associations des parcs technologiques
(15).
Le caractère hypothétique et non concret des
exemples donnés par les acteurs pour illustrer les résultats,
et intrinsèquement l'efficacité de leur action, est assez
frappant. Lorsqu'il est demandé de décrire des situations
de réalisation de coopération, les personnes interrogées
ont des difficultés à évoquer autre chose que les
réunions, les forums, ou alors des projets en cours de développement,
mais non aboutis. Il est conséquemment difficile de ne pas considérer
comme quasi-anecdotiques les véritables résultats d'un travail
entre entreprises, universités ou laboratoires. La synergie n'est
vraisemblablement pas encore très présente, ou alors en gestation
:
"Donc on a un certain nombre de choses qui permet effectivement
d'avoir des liens et de développer effectivement tout un tas de
techniques et de confier aux universités ou à un certain
nombre d'écoles des recherches fondamentales un petit peu payées
par les entreprises. Donc ça, c'est bien un partenariat important
qui se développe depuis un certain nombre d'années. Après,
le deuxième volet c'est de dire : et bien on va essayer de créer
sur des techniques extrêmement pointues et de développer une
entreprise high-tech sur des brevets que pourraient avoir un certain nombre
d'entreprises et qui pourraient permettre un développement pour
une PME-PMI. Alors je suis extrêmement prudent et on a peu de réalisations.
[...]
Il semble en effet légitime de dire que la synergie
demeure, au moins dans les cas observés, un principe de fonctionnement
qui reste à mettre en place et à pérenniser par delà
de nombreuses difficultés. La lucidité et l'honnêteté
de certains acteurs ne font que confirmer cette idée. Leurs témoignages
prouvent que les volontés et la sensibilisation à ce mode
de relations de travail sont encore le fait de quelques individus trop
isolés pour que la technopole soit à ce jour considérée
comme un milieu de forte synergie. Le chemin vers une dynamique telle que
la décrivent certains observateurs enthousiastes ou crédules
est encore à parcourir et semé d'embûches.
Dans un milieu où la concurrence s'est imposée
comme la règle fondamentale de toute action pendant des années,
vouloir regrouper des acteurs bien installés dans des statuts et
des règles internes fondamentalement différentes relève
de la gageure. Cette hétérogénéité,
qui caractérise le groupement entreprises-universités-équipes
de chercheurs dans les technopoles, est perçu à juste titre
comme un formidable potentiel d'innovation et de réussite par les
plus optimistes. Néanmoins les inconvénients et les barrières
liées à cette même diversité sont bien présents.
L'un des premiers paris et l'une des premières limites
du projet de technopole est d'infléchir les oppositions traditionnelles
qui régissent les rapports entre concurrents d'un même secteur
d'activité. Bien que, d'une part, les conditions de mondialisation
des échanges économiques et sociaux développent une
inéluctable interdépendance entre les agents, et bien que,
d'autre part, les difficultés et la complexité du monde contemporain
tendent a priori à rapprocher les individualités dans un
élan de solidarité parfois forcée, les contraintes
de la survie économique et les principes de concurrence demeurent.
Dans le cadre des parcs technologiques, l'objectif est de travailler
conjointement entre partenaires-concurrents pour servir des projets d'intérêt
commun. Les désaccords ouverts sont courants. Les négociations
sont très poussées. Et les conflits latents menacent toujours
la bonne marche des coopérations engagées. Ces situations
critiques ne font que révéler à l'observateur attentif
les enjeux et les résistances qui entourent le principe de synergie
en milieu industriel de haute technologie.
Sur le plan économique, les grandes et les petites entreprises
ont beau se côtoyer, cohabiter, être en relation, les problèmes
entre les unes et les autres ne disparaissent pas. Au contraire, les frictions
sont même peut-être plus fréquentes qu'ailleurs. En
effet, encourager l'existence de liens entre les partenaires économiques
et sociaux, c'est en partie multiplier les querelles. Entre autre, les
oppositions dues aux différences de taille des structures sont très
présentes, comme le révèlent de nombreux passages
d'entretiens.
En outre, les antagonismes séculaires entre le monde
de l'enseignement et celui de l'entreprise sont un passé lourd à
gérer. Ils entravent les procédures d'échanges pourtant
reconnues nécessaires entre ces deux univers.
L'université est un terrain apparemment plus accessible
aux entreprises qui peuvent apporter des subsides devenus vitaux pour la
recherche. En revanche, le monde de l'enseignement secondaire, financé
et dirigé en marge du secteur économique privé, reste
très hermétique et peu accessible aux entreprises. La sensibilité
de quelques individus ne suffit pas à renverser les préjugés
qui imprègnent chacun des deux milieux. En outre, d'importantes
barrières liées au langage, aux centres d'intérêts
et aux habitudes de travail sont un réel handicap pour les relations.
Les points d'achoppement sont également réels
entre l'univers économique et l'univers politique. Cette situation
relationnelle est sans doute l'une des plus complexes de celles repérées
dans les technopoles. C'est sans doute "parce que vous ne pouvez pas
nier que le politique et l'économique sont liés." déclare
un membre d'association. En effet, quelques acteurs sont impliqués
en politique, mais aussi dans des entreprises. Ces situations sont parfois
très difficiles à gérer. Mais ce sont également
des sources d'arrangements amiables. La tendance générale
est, selon toute vraisemblance, pour les industriels de réduire
les relations avec les responsables politiques au strict minimum.
Il faut noter sur les rapports entre la politique et l'économie
que les technopoles sont parfois des enjeux de querelles intestines entre
les politiciens locaux. En effet, la réalisation des parcs technologiques
demande parfois de travailler sur des espaces issus de regroupements intercommunaux,
interdépartementaux ou interrégionaux. Dans ce cadre, les
tensions politiques sont parfois très pénalisantes.
Quelques auteurs soulignent que les technopoles sont les catalyseurs
de diverses oppositions entre l'Etat et les régions (16).
Devenant ainsi l'enjeu d'une concurrence entre les différents niveaux
de décision issus de la décentralisation amorcée en
1982, les parcs technologiques souffrent au plan local de tiraillements
et d'oppositions parfois peu constructifs.
De plus, les oppositions existent également entre les
associations interprofessionnelles qui en apparence travaillent ensemble.
Chaque acteur rencontré déclare solennellement qu'il entretient
de bons rapports ou n'a aucun lien avec d'autres associations que la sienne.
En fait, au cours de discussions informelles, il s'avère que les
responsables de groupes d'animation sont très curieux de connaître
ce que font les autres. C'est le souci de savoir si l'image de leur action
est meilleure ou moins bonne que celle engagée ailleurs. La concurrence
est en réalité très forte entre les associations interprofessionnelles
des technopoles.
Toutes ces difficultés resurgissent de temps en temps
au cours des réunions associatives locales. Certains acteurs interrogés
laissent échapper quelques paroles révélatrices de
ces contradictions. Néanmoins, la tendance est de cacher et de ne
pas aborder le plus longtemps possible les problèmes. Les "bagarres"
(sic) dans les réunions font ressortir les oppositions latentes.
Elles correspondent également à une capacité d'aborder
et de traiter les situations conflictuelles. C'est un mode de dialogue
vraisemblablement adapté à ce milieu dans lequel les rapports
ont souvent tendance à être amicaux. Les heurts et les débats
ne semblent pas générer de fractures trop profondes. Chacun
sait en effet que ses interlocuteurs sont aussi des partenaires effectifs
ou potentiels avec lesquels il est parfois contraint de composer.
Tous les témoignages de chefs d'entreprises montrent
que les PME-PMI n'ont pas les mêmes capacités d'implication
dans l'action associative que les grandes sociétés. Pourtant,
la volonté des associations est de largement tenir compte de ces
difficultés. Ce déséquilibre avantage les grosses
structures qui se présentent comme des aides bienveillants pour
les PME-PMI. Elles ont en effet les moyens de jouer ce rôle en étant
très présentes dans toutes les actions associatives. Certains
responsables des PME-PMI sont alors très critiques et très
méfiants vis à vis de cette situation.
La prégnance des grands groupes industriels est en partie
possible parce que la forme associative est très limitée
par les ressources mobilisables. L'hétérogénéité
des motivations qu'elle rassemble accentue ce phénomène.
Des acteurs puissants et disponibles peuvent facilement s'imposer en douceur.
Il leur suffit de déléguer des personnels pour occuper le
terrain, de mettre à disposition des moyens dont seules peuvent
disposer de grandes entreprises - locaux, matériels, compétences,
subventions, etc. Cette situation est supportée par tous parce que
c'est la seule possibilité de mener à bien un grand nombre
d'actions associatives.
Les réseaux de relations personnelles, les discussions
entre amis et concurrents de l'industrie, de la recherche, de l'enseignement,
de la politique sont une part informelle importante dans les liens développés
par les associations et les organismes d'échanges, de transfert
de technologie. Cet aspect du travail est incontournable et essentiel dans
tout type de groupe social. Dans le cadre des technopoles, ces phénomènes
informels sont connus de tous. Dans ces milieux comparables à des
villages de haute technologie, le contrôle social du groupe sur les
individus est très fort. Cependant, la nature immatérielle
de ces relations empêche quiconque de connaître, et encore
plus de maîtriser, ces liens invisibles, souvent très brefs.
Et pourtant, comme dans un écosystème, chaque individu dépend
en partie de l'action d'autrui. Tous les acteurs sont plus ou moins directement
interdépendants, mais ils ignorent un certain nombre d'actions qui
jouent sur leur existence.
Les réseaux relationnels sont en partie invisibles et
insaisissables. Les individus parlent entre eux de partenaires ou de concurrents
qu'ils ont en commun. Ils peuvent selon leur stratégie agir sur
les autres, parfois très indirectement, sans en informer ces derniers.
Ainsi un responsable d'association explique que "Dans l'entreprise,
le court-circuit ça existe. On peut le trouver ailleurs aussi. Il
faut seulement que ça ne soit pas trop brutal". Sur la base
de ce témoignage explicite qui exprime ce que d'autres suggèrent,
il apparaît que l'absence de formalisme dans certaines relations
est une arme à double tranchant. Il est flagrant qu'une grande partie
des effets d'une action dans un parc technologique n'est pas prévue
initialement par les acteurs. Si le réseau informel devient un moyen
systématique de concurrence souterraine, les conséquences
inattendues et indésirables peuvent sensiblement entraver les rapports
de collaboration indispensables à terme pour une synergie (17).
Seule une motivation partagée et une réelle volonté
d'agir de concert dans un projet peuvent éviter ces contretemps.
Or les oppositions politiques, personnelles, d'appareil, doivent être
prises en compte lorsque l'on parle de technopole. Il est indispensable
sur ce terrain que chacun mette de côté une part de ses ambitions
personnelles, de ses inimitiés et de ses peurs.
L'aspect informel de certaines fonctions et du rôle des
acteurs, est lui aussi une limite importante au développement d'une
synergie de technopole. Il ressort que la dynamique des parcs technologiques
entre les entreprises, les universités et les équipes de
chercheurs repose sur quelques individus, qui élargissent leurs
fonctions professionnelles officielles pour animer des relations dans leur
milieu économique et social.
Il est vrai que dans le cas des chefs d'entreprises ou des
cadres supérieurs, des chefs de service "l'individu fait la fonction"
(18). Aussi de nombreuses activités, des services
rendus sont le fait de telle ou telle individualité, et non d'un
professionnel chargé officiellement d'une fonction d'animateur.
Cette situation engendre des faiblesses et des limites dans les activités
dont dépendent les quelques synergies existantes.
Certes le bénévolat, l'autonomie, l'initiative
et l'implication personnelles permettent d'avoir des actions rapides, d'éviter
les lourdeurs d'une procédure rigide et formalisée, d'imaginer
des solutions originales et légères, adaptées à
des problèmes non pris en charge par les organismes officiellement
mandatés. Néanmoins, lorsqu'un professionnel accepte d'aider
une action grâce à des compétences et une volonté
annexes à ses fonctions officielles, sans chercher la reconnaissance,
c'est toute une partie des ressources nécessaires qui est occultée.
A partir de cette analyse, il s'avère que le rôle
de ces acteurs de bonne volonté n'est pas comptabilisé et
n'est pas reconnu à sa juste valeur. Cet état de fait explique
peut-être que la synergie soit souvent évoquée comme
immanente aux technopoles. Ces fonctions sont donc fragiles et portent
dans leur principe actuel leurs limites.
En effet, comment est-il possible de pérenniser une
action et des compétences à peine reconnues ? Comment obtenir
des moyens pour effectuer un travail supplémentaire essentiel, mais
à peine distinct de fonctions traditionnelles, bien définies
et déjà financées ? Comment transmettre une fonction
enrichie selon le bon vouloir d'un individu qui exerce un savoir-faire
que seules une formation et une expérience uniques ont permis de
regrouper en une seule personne ? Le poste de ces acteurs peut être
maintenu. Il est possible d'y placer quelqu'un selon un profil souhaité.
Mais le résultat a de grandes chances d'être très différent.
Il est difficile de s'assurer que le candidat souhaite s'impliquer autant
que son prédécesseur dans une action associative visant à
animer une technopole. De plus, même en cas de réelle motivation,
les contacts personnels, les compétences secondaires, toutes les
caractéristiques informelles des individus -qui font le succès
des synergies- tendent à disparaître un peu lors du départ
de chaque acteur.
Il est notable que cette perte est actuellement très
dommageable pour l'ensemble d'une technopole. En effet, ces acteurs clés
dans les réseaux de relations poursuivent presque seuls leur démarche.
Ils bénéficient rarement de l'aide de collaborateurs qui
pourraient éventuellement être des apprentis aptes à
prendre le relais.
Les réseaux opérationnels des technopoles semblent
donc être aussi fragiles qu'importants. Ils ne reposent en fait que
sur des individualités fortes, peu nombreuses au regard du travail
à accomplir, et dont la relève est fréquemment négligée.
Un besoin de mieux cerner le phénomène
Dans ce contexte, il est intéressant à plus d'un
titre de mener d'autres investigations sur les activités quotidiennes
des technopoles. Face à la complexité du phénomène,
le meilleur moyen de discerner la réalité est sans doute
d'être sur le terrain.
Dans bien des cas, il est encore difficile de savoir précisément
quelles sont les activités technopolitaines existantes. Etant donné
que les technopoles sont des structures qui sont construites de jour en
jour, il s'agit d'une réalité extrêmement mouvante,
en perpétuelle formation.
L'adaptation des ensembles de production industriels aux nouvelles
données techniques et sociales passe par l'invention structurelle
et fonctionnelle de systèmes originaux. Si, comme cela semble être
le cas, les technopoles sont de cette essence, il s'agit de la mise en
place de nouvelles relations de travail, de métiers inédits,
en d'autres termes d'un mode de production différent de ceux connus
jusqu'alors.
Pour bien comprendre un tel phénomène, il est
indispensable d'étudier sur le terrain, à la lumière
des études existantes, le travail des hommes et des femmes qui participent
à l'aventure technopolitaine.
Notes
-
M. Burnier, G. Lacroix, "Le modèle technopolitain,
une vitrine européenne ? ", Annales du CREIS, 1992, p.
447.
-
J. Y. Delaune, "Contribution au débat sur
les technopôles en France", Demeter innovation, texte dactylographié,
s. l., novembre 1993, p.10.
-
C. Manzagol, "Les technopoles, variétés
de formes, similitudes des processus", in Villes et technopoles. Nouvelle
industrialisation. Nouvelle urbanisation, Actes du colloque international
de Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1990, p. 144.
-
Idem.
-
T. Bruhat, "Technopoles et développement régional.
Eléments d'évaluation de la valeur ajoutée des technopoles",
Etude effectuée sur un contrat de la DATAR avec le soutien de France
Technopoles, texte dactylographié, s. l., 1993, p. 42.6. M. Burnier,
G. Lacroix, "Le modèle technopolitain, une vitrine européenne
?", Annales du CREIS, 1992, p. 456.
-
M. Burnier, G. Lacroix, "Le modèle technopolitain,
une vitrine européenne ?", Annales du CREIS, 1992, p.
456.
-
G. Benko, Géographie des technopôles,
Masson, 1990, p.137.
-
G. Benko, op. cit., p.139.
-
Ibid., p.192.
-
Plaquette de présentation "Espace Ile de Science"
réalisée et distribuée par IDS et IDSI.
-
Idem.
-
G. Benko, Géographie des technopôles,
Masson, 1990, p.146.
-
A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique
I et II - Souvenirs - L'ancien régime et la révolution,
Editions Robert Laffont, Paris, 1991, p. 505.
-
T. Kuhn, "La révolution facteur de progrès",
La structure des révolutions scientifiques, Flammarion, 1983,
p. 219- 236.
-
Ce résultat confirme jusqu'à preuve du
contraire les observations déjà faites par exemple par Michel
Burnier et Guy Lacroix qui évoquent "Les incertitudes de l'innovation"
in Le modèle technopolitain, une vitrine européenne ?,
Annales du CREIS, Paris, 1992, p. 455.
-
J. Dumas, "La technopole comme expression d'un aménagement
du territoire concurrentiel : l'Etat et la ville contre la région",
Villes et technopoles. Nouvelle industrialisation. Nouvelle urbanisation,
Actes du colloque international de Toulouse, Presses universitaires du
Mirail, 1990, p. 89-96.
-
M. Crozier, A. Friedberg, L'acteur et le système.
Les contraintes de l'action collective, Le Seuil, 1977, p. 200-201.
-
Avis d'un cadre recueilli lors d'un entretien.